Avant l’article 25
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 477 rectifié, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
M. Charles de Courson. Mes chers collègues, nous sommes tous attachés au caractère exemplaire de la République et au nécessaire bon usage des fonds publics. Pour ce qui concerne notre IRFM – l’indemnité représentative de frais de mandat – il s’agit quand même de près de 45 millions d’euros par an.
L’indemnité représentative de frais de mandat est destinée, d’après les documents officiels de notre assemblée, à couvrir – je cite – « l’ensemble des frais afférents à l’exercice du mandat parlementaire qui ne sont pas directement pris en charge ou remboursés par l’Assemblée nationale et la partie de la rémunération des collaborateurs qui excède les crédits alloués spécifiquement à cet effet ».
Cependant, le second alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts interdit, suite à un amendement du Sénat – je cite – « tout contrôle de la part de l’administration et considère que cette indemnité est toujours réputée utilisée conformément à son objet ».
L’amendement n° 477 rectifié vise à abroger cette disposition pour remettre les parlementaires, au regard de cette IRFM, dans le dispositif de droit commun. Vous savez que tout salarié qui bénéficie d’une indemnité représentative de frais professionnels doit être capable de justifier du bon usage de ces fonds, avec des pièces justificatives. Et la partie non utilisée à des fins professionnelles est réimputée en revenu.
Nous proposons que la part de cette indemnité représentative de frais de mandat non utilisée à des fins professionnelles soit considérée du point de vue fiscal comme un revenu imposable au titre de l’impôt sur le revenu, et uniquement cette partie.
Si des collègues utilisent totalement leur IRFM ou si leurs frais professionnels en dépassent le montant, il n’y a aucun problème : nous restons dans la situation existante.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir le sous-amendement n° 547.
M. Jean-Louis Borloo. Nous, parlementaires, avons à notre disposition trois sources de flux : d’abord, l’indemnité de parlementaire qui est fiscalisée selon le droit commun et qui ne pose pas de problème ; ensuite, un crédit de collaborateurs, qui est un droit de tirage sur l’Assemblée nationale pour financer des collaborateurs dont les parlementaires ont absolument besoin ; enfin, une troisième enveloppe, si j’ose dire, qui concerne l’ensemble des frais assez divers selon l’endroit où l’on est, le cumul éventuel des mandats, les distances, la façon dont on souhaite exercer cette fonction. Or ce flux d’un peu moins de 7 000 euros n’est ni tout à fait un revenu ni tout à fait contrôlé par l’Assemblée nationale ou par une autre institution au titre de la dépense pour ces frais.
Permettez-moi de vous dire que nous sommes dans un flou de nature à abîmer le travail indispensable des parlementaires, qui sont le dernier rempart de la démocratie.
Nous avons plusieurs solutions et je ne sais pas laquelle est la bonne. Soit fiscaliser la partie qui n’est pas justifiée comme frais d’indemnité de représentation, soit la restituer. Je vois bien le problème posé par le contrôle tatillon d’un tiers ; l’administration de l’Assemblée nationale comme les questeurs peuvent s’en charger, peu m’importe !
Une chose est sûre, cependant : l’incompréhension de ces flux, de leur nature, de leur contrôle et de leur non-fiscalisation peut conduire un certain nombre d’entre nous à des situations judiciairement difficiles.
Par ailleurs, ce qui a été dit sur les radios ce matin suffit à montrer l’incompréhension, par une partie de la population, du fait que nous sommes hors du droit commun. Je ne dis pas dans l’amoralité ni la non-justification, mais simplement hors des règles du droit commun. Cette incompréhension est de nature à nourrir une interrogation sur quelque chose qui est par ailleurs nécessaire à la fonction de parlementaire.
J’en ai assez, pour ma part, d’entendre une petite musique qui revient très souvent, y compris au sujet d’un parlementaire qui est à 23 h 30 dans cet hémicycle – peu importe la formation à laquelle il appartient – et qui est mis en cause par un certain nombre de gens sur les ondes à propos d’un dispositif que nous connaissons tous.
Je demande donc, pour le moins, que la présidence de l’Assemblée nationale réunisse les présidents de groupe pour clarifier cette situation. Il faut au minimum un amendement qui demande le contrôle annuel par l’Assemblée nationale ou ses questeurs et, à défaut, que la partie non effectivement utilisée pour la représentation soit fiscalisée.
Ce sera une façon de réconcilier notre travail nocturne et la réalité de nos engagements, que je sais extrêmement importants. Prenez cela comme un amendement de confiance et rien d’autre.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir le sous-amendement n° 517.
M. Philippe Vigier. Le président Borloo a très bien précisé les choses, on ne peut pas laisser planer le doute. Vu ce qui a pu circuler sur Internet ces derniers mois et ces dernières semaines, il faut tout simplement trouver une solution.
Trois pistes ont été avancées. En tout cas, on ne peut pas laisser les choses en l’état. Pensez une seconde à l’électricien qui fait sa déclaration d’impôt : tous ses frais sont inventoriés !
M. Philippe Vigier. Vous êtes indignée, madame, mais quand vous avez une femme qui travaille à trente kilomètres du domicile conjugal et qui, tous les jours, doit aller au travail, eh bien ! elle tient un registre extrêmement précis.
Qu’avons-nous à cacher ? Rien ! Et nous avons tout à dire. Notre message est donc un message de confiance à l’égard des parlementaires que nous sommes. Nous ne comptons ni notre temps, ni notre engagement, ni notre volonté, mais nous ne pouvons plus laisser les choses en l’état.
Ce sous-amendement vise à compléter l’amendement de Charles de Courson, car il avait omis de préciser dans la nouvelle rédaction de l’article que cela devait figurer dans le code général des impôts.
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 542.
M. Lionel Tardy. Comme l’ont dit mes collègues, c’est là un sujet très sensible, puisqu’il s’agit de nos indemnités. Je n’ai pas besoin d’insister longuement sur la sensibilité du public à ces questions, ni sur les fantasmes qu’elles provoquent.
La seule solution, mes chers collègues, c’est la transparence. Tout ce qui peut paraître caché ou dissimulé provoque inévitablement des questions et des extrapolations.
À propos de l’IRFM, il y a bien un problème. Nous avons tous des frais liés à notre mandat. Nous avons donc besoin d’une indemnité pour les couvrir, car il serait anormal de prendre sur notre indemnité parlementaire, gage de notre indépendance.
Je rappelle, tout particulièrement aux citoyens qui nous écoutent, que les parlementaires doivent être indépendants et que cela passe par une indépendance financière. Le problème de l’IRFM, c’est qu’elle est identique pour tous les députés, qu’ils en aient ou non besoin.
Je ne suis que député, je n’ai pas, comme un certain nombre de parlementaires, de mandat local, exécutif notamment.
M. Lionel Tardy. Quand on est maire, président de conseil général ou régional, c’est la collectivité qui prend en charge les frais, y compris ceux liés au mandat de député. L’IRFM est alors un bonus et devient un véritable revenu annexe. Il est donc logique que ce revenu soit fiscalisé comme tel.
C’est comme cela que je lis l’amendement de notre collègue de Courson. J’ai repris un sous-amendement initialement déposé par Philippe Vigier, qui complète utilement l’amendement et lui donne toute sa portée.
La conséquence de cet amendement est que nous allons devoir rendre des comptes sur l’usage que nous faisons de notre IRFM. Cela me parait tout à fait normal, sans qu’il faille pour autant tout mettre sur la place publique.
L’IRFM étant versée sur un compte séparé et dédié uniquement à cet usage, il suffit d’autoriser un droit de consultation par les services de l’Assemblée nationale…
M. Lionel Tardy. …assorti d’une obligation de présenter une facture au-delà d’un certain montant et d’une limitation du montant des retraits d’argent liquide.
En refusant de voter cet amendement, nous donnerions une fois de plus un signal très négatif à la population. Nous devons accepter d’être contrôlés quand il s’agit d’argent public. Je voterai donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir le sous-amendement n° 548.
M. Jean-Louis Borloo. Il est défendu, madame la présidente. Il s’agit de préciser que la part de l’IRFM non utilisée à des fins professionnelles est imposable au titre de l’impôt sur le revenu, si elle n’a pas été restituée à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement et, en tant que rapporteur, j’émettrai un avis défavorable en m’appuyant sur quelques brèves remarques.
Premièrement, la création de cette IRFM a consisté à faire, à un moment donné, le calcul des frais de fonctionnement d’un parlementaire, qui loue sa permanence, la meuble et la fait fonctionner, paie les frais afférents,…
M. Christian Eckert, rapporteur général. …se déplace et vit d’une façon quelque peu particulière. Ce calcul a été fait en 2002 et c’est le seul exemple connu de votre rapporteur et de ses services d’un montant forfaitaire de frais, assimilables à des frais professionnels, calculé et fixé par la loi. Les montants sont connus, M. Borloo y a fait référence.
Deuxièmement, le problème de fond qui se pose est celui du contrôle, et de savoir qui contrôle,…
M. Christian Eckert, rapporteur général. …dans quelles conditions et de façon à ce que le contrôle atteigne son objectif premier, mais qu’il n’aille pas au-delà et qu’il ne porte pas de jugement d’opportunité sur telle ou telle dépense engagée par un législateur qui, par nature, doit conserver une certaine indépendance.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je peux donner un exemple tout simple qui date de ce matin. Le président de la commission et moi-même avons rencontré le PDG d’une grande banque nationale. Qui a payé ce petit-déjeuner ? Était-il opportun ? Pourquoi cette banque plutôt qu’une autre ? Quels soupçons pourrait-on porter sur cette rencontre, dans le cadre de nos travaux d’animateurs conjoints de la commission des finances ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. On pourrait trouver une foultitude d’exemples. Un certain nombre de collègues communiquent sur leur blog personnel l’utilisation de leur IRFM – je ne cite pas de noms, ils sont connus – de bonne foi, pour en assurer la transparence ; et on trouve toujours telle ou telle dépense à critiquer : le déplacement avait-il effectivement un objet dans le cadre de la fonction parlementaire ? Était-ce une convenance personnelle ? Si c’était un dimanche, n’était-ce pas un repas de famille ? Le contrôle, c’est extrêmement compliqué.
Pour conclure et pour ne pas être trop long sur ce sujet, je pense qu’un contrôle est nécessaire et qu’il doit être assuré sous l’égide des questeurs de l’Assemblée nationale. Ils constituent une autorité reconnue et pluraliste, puisque l’un des trois questeurs est issu de l’opposition.
Je sais que les questeurs travaillent sur cette question ; un certain nombre d’articles de presse ont également fait état de déclarations du président de l’Assemblée nationale, qui souhaite travailler sur ce sujet.
Enfin, à propos du cumul, il y a aussi un texte en préparation et une commission pluraliste a été désignée pour aborder cette question, y compris celle des indemnités et du cumul des facilités accordées à chaque élu.
M. Tardy a évoqué la question de l’indépendance de l’élu, qui pour être indépendant doit disposer des moyens de sa fonction. On ne peut pas parler d’indépendance et de moyens suffisants pour l’exercice de la fonction tout en installant un contrôle qui pourrait donner l’impression qu’un pouvoir, fût-il administratif et tout à fait respectable, puisse avoir une influence sur la fonction de l’élu.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Tous ces éléments me conduisent à confirmer, comme cela a été évoqué assez longuement en commission, que le collège des questeurs et la présidence de l’Assemblée nationale peuvent très bien prendre des mesures en ce domaine.
M. Borloo a évoqué la possibilité d’un contrôle par le collège des questeurs, et je crois que c’est une voie en cours d’exploration. En revanche, considérer qu’une part non utilisée n’est pas fiscalisée et devrait l’être, c’est vraiment rentrer par la petite porte,…
M. Christian Eckert, rapporteur général. …alors que ce sujet doit faire l’objet d’un travail collégial et pluraliste de communication.
Je répète que la question de l’indépendance et de la séparation des pouvoirs administratif et législatif est fondamentale. Les parlementaires ne bénéficient pas là d’un traitement de faveur.
Il en va de même d’un certain nombre de textes assurant la liberté de parole dans cet hémicycle, protégée par une immunité qui ne vaut pas à l’extérieur.
Voilà une analyse de la problématique qui me conduit à confirmer l’avis défavorable de la commission pour toutes les raisons qui ont été développées. Ce n’est pas une position de blocage mais au contraire une demande d’ouverture et de décisions, qui sont d’ailleurs en train d’être prises par tous ceux que j’ai évoqués.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, cet avis vaut-il pour l’ensemble des sous-amendements ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.).
Mme la présidente. Sur le sous-amendement n° 547 ainsi que sur l’amendement n° 477, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas. Si nous remercions M. de Courson d’avoir mis en débat cette question de l’IRFM, en revanche il se trompe sur la façon de l’aborder.
Je voudrais rappeler que mon excellent collègue François de Rugy a déposé il y a moins d’un an une proposition de loi sur la vie publique que, sauf erreur, vous n’avez pas votée, monsieur de Courson.
Nous proposions alors de « rendre publique l’utilisation par les parlementaires des crédits qui leur sont alloués pour la prise en charge des frais afférents à l’exercice du mandat parlementaire. »
Notre objectif était et demeure la transparence de l’IRFM, le contrôle de son utilisation, mais aussi bien sûr la restitution à l’Assemblée des sommes non utilisées pour l’exercice du mandat.
Les écologistes ne participeront donc pas au vote sur l’amendement lui-même, car à notre sens l’IRFM non utilisée pour l’exercice du mandat ne doit pas venir arrondir les fins de mois des parlementaires, mais bien être restituée à l’Assemblée en vue d’une gestion rigoureuse de la dépense publique.
Néanmoins, nous voterons les sous-amendements de M. Borloo, qui rappellent à nouveau la nécessité du contrôle de l’IRFM et précisent que des sommes qui ne sont pas utilisées pour l’exercice du mandat doivent être restituées.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Le groupe socialiste est parfaitement conscient de la nécessité de rendre l’IRFM plus transparente. Nous avons demandé au président de l’Assemblée nationale de réunir les groupes politiques pour qu’ils décident comment agir pour assurer la transparence de cette indemnité. Je crois qu’il s’agit de la bonne méthode.
En tout état de cause, l’IRFM ne doit couvrir que des frais de mandat. En fiscaliser une partie, ce serait reconnaître qu’elle peut constituer une indemnité qui s’ajouterait en quelque sorte à l’indemnité parlementaire de base. Si une partie de l’IRFM a été utilisée à autre chose que ce pour quoi elle doit servir, cela est condamnable. Si une partie de l’IRFM n’est pas utilisée, elle doit être restituée.
M. Pierre-Alain Muet. Je le sais bien mais il appartient au nouveau président de l’Assemblée de conduire une réflexion avec les groupes politiques pour qu’il y ait enfin un peu plus de transparence en la matière.
Je rappelle aussi que nous travaillerons prochainement sur le non-cumul des mandats, que nous sommes quelques-uns à pratiquer depuis longtemps. Je pense qu’il faut globalement moraliser la vie politique et être transparents à l’égard de nos concitoyens. Dans ce cadre, l’IRFM doit faire partie des sujets de réflexion. Ce sujet mérite assurément mieux qu’un amendement au détour du collectif. Je me demande d’ailleurs pourquoi cette disposition apparaît maintenant : vous auriez pu défendre cet amendement auparavant. Après tout, vous étiez majoritaires !
Il reste que si vous posez une vraie question, nous pouvons la régler entre nous. Il appartient en effet à notre assemblée de dire ce qu’il convient de faire à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.
M. Jean-Louis Borloo. J’ai cru comprendre que M. le rapporteur général était d’accord pour que l’Assemblée nationale opère un contrôle de l’IRFM, ce qui permet de préserver la séparation des pouvoirs. Dois-je en conclure que, ès qualités, il est favorable au sous-amendement n° 547, qui soumet l’IRFM au contrôle de l’Assemblée ? Les modalités d’application de cette disposition reviendront sans doute au Bureau.
Je veux insister sur le fait qu’un amendement n’est pas une sous- décision. Dans cet hémicycle, tout député peut présenter un amendement qui devient la loi française s’il est voté par la majorité. Je souhaite que le Parlement se prononce. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Nous sommes tous d’accord pour instaurer la transparence en matière d’IRFM. Cela dit, il n’est pas question qu’une partie de son montant reste dans la poche de l’élu et soit fiscalisée : cela voudrait dire qu’il existe une deuxième indemnité versée au député.
Monsieur Borloo, il ne sert à rien d’adopter votre sous-amendement puisqu’il complète le dispositif de l’amendement n° 477 rectifié, que nous avons l’intention de rejeter. Toutefois, je suis d’accord avec Mme Eva Sas ainsi qu’avec votre proposition visant à permettre à l’Assemblée nationale de contrôler l’IRFM – cela devrait d’ailleurs être assez simple puisqu’elle est versée sur un compte séparé. La fiscalisation des montants non utilisés serait incongrue ; il faut qu’ils soient reversés à l’Assemblée d’une façon ou d’une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian Jacob. Le groupe UMP votera contre cet amendement et ses sous-amendements. Le sujet dont nous parlons relève du Bureau de notre assemblée, voire de la Conférence des présidents. Tel a toujours été le mode de fonctionnement de l’Assemblée nationale.
Le problème doit se régler dans le cadre que je viens d’indiquer et non par des amendements ou des sous-amendements à un projet de loi de finances rectificative qui n’a rien à voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Le sujet est important, même si nous sommes en train de tâtonner. La façon dont M. de Courson et M. Borloo exposent leur solution le prouve : ils sont à la recherche de la meilleure solution, qui n’est d’ailleurs peut-être pas celle qu’ils nous proposent.
M. de Courson propose ainsi de fiscaliser la partie de l’IRFM qui n’est pas utilisée à des fins professionnelles. A-t-il bien conscience que cela entraînerait une rupture d’égalité entre les députés et des différences entre les indemnités perçues par chacun d’entre eux ?
M. Bruno Le Roux. Il faut assumer le fait que l’indemnité de frais de mandat non utilisée doit être restituée. Qu’est-ce qui expliquerait qu’elle puisse être fiscalisée ? Demain, certains députés pourront-ils cumuler leur indemnité de base et l’IRFM alors que d’autres dépenseraient la totalité de cette dernière à des fins professionnelles ? La question posée est celle de l’utilisation de l’IRFM, pas celle de sa fiscalisation.
Nous sommes ce soir plusieurs présidents de groupe qui siègeons dans l’hémicycle. Je vois M. Jacob et M. Borloo.
Pour notre part, nous avons saisi le président de l’Assemblée. Nous lui avons demandé de nous faire des propositions en matière de transparence dès la rentrée prochaine. Nous ne pensons pas seulement à l’IRFM mais plus largement à tout ce qui touche au fonctionnement de notre assemblée et qui fait l’objet d’une demande de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Bruno Le Roux. Nous devons tous nous associer dans cette démarche. Monsieur Borloo, je vous propose que les présidents de groupe présents ce soir décident ensemble de saisir le président de l’Assemblée nationale en lui précisant qu’ils veulent discuter de ce sujet avant la fin de l’année. Cela évitera de provoquer un vote sur un amendement impossible à mettre en œuvre et dont l’adoption entraînerait une profonde rupture d’égalité.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Borloo, vous m’interrogez sur votre sous-amendement n° 547. Il me semble être inconstitutionnel car la loi ne doit pas contraindre le Parlement. Dans ces conditions, mon avis ne peut pas être favorable.
Pour le reste, les arguments de M. Le Roux sont pertinents. En cas de reliquat, il faut que ce dernier soit restitué. Il ne peut ni être conservé ni être fiscalisé. Un parlementaire ne doit pas pouvoir tirer un revenu supplémentaire, même après impôt, d’une indemnité faite pour tout autre chose.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Que ce soit au sein du Bureau, d’un groupe de travail ou sous l’égide des questeurs, trouvons la solution
ad hoc. Si le président de l’Assemblée est saisi par tous les groupes au-delà du groupe SRC, je suis convaincu qu’il leur apportera une réponse – ce qu’il a quasiment déjà fait aujourd’hui par voie de presse.
Je répète en conséquence que je suis défavorable à l’ensemble des sous-amendements ainsi qu’à l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.
M. Jean-Louis Borloo. Je veux répondre à M. Le Roux qui m’a interpellé de façon très républicaine en tant que président de groupe.
J’ai déjà si souvent entendu la même chose : ce n’est pas le moment, ce n’est pas la bonne méthode, vous n’avez pas vu assez grand, votre proposition n’est pas assez travaillée… Autant d’arguments qui servent finalement à ne rien faire. Voilà la réalité ! Je suis évidemment d’accord pour que nous saisissions ensemble le Bureau de l’Assemblée nationale afin que les dispositions de l’amendement n° 477 rectifié et du sous-amendement n° 547 soient mises en œuvre.
Ce soir, pas un seul de nos collègues ne peut me dire qu’il a reversé une partie de son IRFM à l’Assemblée nationale. La question de la fiscalisation se pose donc effectivement. Il y a bien un flou. Pour ma part, je souhaite simplement protéger les parlementaires.
Alors renvoyons au Bureau les modalités d’application du dispositif mais, comme ce n’est pas cette instance qui fait la loi en France, votons ! Monsieur le rapporteur général, j’ai beaucoup de mal à vous comprendre quand vous dites que la loi ne doit pas contraindre le Parlement, puisque c’est bien le Parlement qui fait la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. « Ce n’est pas le jour ; ce n’est pas le bon moment » : M. Borloo se plaint qu’on lui oppose ces arguments, mais je trouve cela particulier venant d’un parlementaire qui durant dix ans a été en situation de faire dans la majorité ce qu’il nous propose aujourd’hui.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
En termes de moralisation de la vie politique, aucun gouvernement n’a agi comme celui qui est en place depuis le mois de mai dernier. Vous pourrez tous constater dans quelques semaines qu’aucune majorité passée n’a proposé ce qui sera proposé.
Nous voterons contre l’amendement et les sous-amendements parce qu’ils ne sont pas justes. Aujourd’hui, les députés qui n’ont que ce seul mandat utilisent souvent la totalité de leur IRFM à des fins professionnelles – ils doivent même parfois compléter son montant. Trouvez-vous normal qu’un parlementaire ne dépensant que 40 % de son IRFM conserve un surplus d’indemnité de 60 %, même si vous fiscalisez ce montant ? Ce serait inadmissible.
M. Bruno Le Roux. Demain, si votre solution était retenue, on nous pointerait du doigt. Il convient donc de travailler sans tarder pour régler ce problème. La solution que vous nous proposez ce soir n’est pas bonne ; nous voterons contre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.
Mme Barbara Pompili. Rendre imposable une part de l’IRFM introduit clairement l’idée que cette indemnité constitue un complément de revenu, idée à laquelle le groupe écologiste est fermement opposé. Il n’en demeure pas moins que, maintenant, nous devons faire la transparence.
L’année dernière nous avions présenté une proposition de loi en ce sens qui avait été repoussée, notamment par M. Charles de Courson. Nous sommes heureux que sa position ait évolué.
Il faut que nous soyons transparents pour l’IRFM, mais aussi pour tous les revenus qui nous sont versés par l’Assemblée nationale. Au-delà, en matière de réserve parlementaire, nous devrons aussi parler de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J’entends la proposition du président Le Roux : il faut la mettre en œuvre rapidement pour que nos citoyens puissent constater que, nous aussi, nous sommes transparents pour tous les revenus que nous verse l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Monsieur Le Roux, tout le monde sait qu’un certain nombre de parlementaires n’utilisent pas la totalité de leur IRFM pour financer leurs frais professionnels. Vous le savez pertinemment : ne jouez pas les innocents !
La solution que nous proposons avec M. Borloo a au moins le mérite de réduire l’inégalité entre ceux, dont je suis, qui dépensent l’intégralité de leur IRFM et même au-delà – pour ma part, je finance certains de mes frais professionnels de député de la République française avec mon argent personnel – et ceux qui n’en dépensent qu’une partie. Elle constituerait donc une amélioration réelle. Si nous pouvons aller plus loin comme vous le suggérez, pourquoi pas ? Mais cela ne doit pas nous empêcher d’adopter ce que nous proposons. Nous montrerons ainsi du respect pour une République exemplaire.
Par ailleurs, je voudrais préciser à mes deux collègues du groupe écologiste que je n’ai pas voté la proposition de loi présenté par des députés verts parce qu’elle ne résolvait absolument pas le problème posé et qu’elle constituait une réponse inadaptée.
Pour ce qui me concerne personnellement, sachez, madame Pompili, que lorsque les journalistes ont voulu savoir à quoi j’affectais l’IRFM qui m’est versée, je leur ai ouvert mes comptes. Ils ont donc pu voir comment je l’utilisais.
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 547.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 29
contre 119
(Le sous-amendement n° 547 n’est pas adopté.)
(Les sous-amendements identiques nos 517 et 542 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement n° 548 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 477 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 132
Majorité absolue 67
Pour l’adoption 24
contre 108
(L’amendement n° 477 rectifié n’est pas adopté.)
Source : Assemblée Nationale
http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2011-2012-extra/20121013.asp#P136_5007
NB : François de Rugy a fait une proposition alternative ...
http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3866.asp