mardi 30 août 2011

Nucléaire : ce sont les plus modestes qui payeront le plus cher

bumeumeubumeuga évoque un débat de Corinne Lepage à la FNAC des Ternes sur le sujet du nucléaire.
La députée Européenne Cap 21 n'a peut être pas lu Frédéric Bastiat (ce qui ne se voit pas) mais elle sait que ca n'est pas parce que les couts cachés du nucléaire (assurance, démantelement, gestion des déchets) ne se voient pas, qu'ils n'existent pas.
La Viking Eva Joly a raison, curieusement et même si elle ne sait pas pourquoi, d'être intransigeante sur le nucléaire face à François Fillon.

lundi 29 août 2011

5 à 10 milliards de dollars de dégats sur la Cote est

Cette estimation du coût du cyclone Irène donne une idée de la vulnérabilité des villes cotières, c'est à dire l'essentiel des villes dans le monde. De New York à Tokyo, de Mumbai à Rotterdam, la richesse aussi bien que les dangers viennent de la mer. 

dimanche 28 août 2011

Histoire - FLUCTUATIONS DU CLIMAT

initialement publié par Lumières & Liberté 

 

Les quatre fluctuations du XVIIe siècle

Nous traitons ci-après les fluctuations étalées chacune sur plusieurs décennies, qu'a repérées Daniel Rousseau grâce aux dates de vendanges puis à partir de 1676 grâce aux séries thermométriques. Ces oscillations, ces fluctuations dont chacune se caractérise par une séquence initiale d'années plutôt tièdes suivie d'une séquence d'années plutôt fraiches, permettent d'explorer plus en détail qu'au cours des siècles toute la période historique qui va de 1602 à nos jours. On compte 14 fluctuations de ce genre, de durées irrégulières, parfois la trentaine d'années ou davantage, parfois le quart de siècle ou moins encore. Il n'y a pas de cycle régulier mais il y a incontestablement des oscillations, terme que nous employons de temps à autre, mais le mot "fluctuations", exactement équivalent à celles-ci au fil de notre exposé, est préférable pour la bonne règle. Ces fluctuations concernent pour l'essentiel le semestre d'été de chaque année successive, et qui va inclusivement d'avril à septembre, incluant autrement dit le printemps et l'été. On a quelques lumières sur les hivers et les automnes, mais ceux-ci, l'un et l'autre, représentent le parent pauvre des études historico-climatiques multi-saisonnières. Même les recherches sur l'oxygène 18 brillamment effectuées par Mme Valérie Daux se bornent à la période végétative des anneaux d'arbre (tree-rings) de chaque millésime successif, c'est-à-dire une fois de plus le printemps et l'été… plus un petit début d’automne. Le semestre d'été – indument privilégié sur ce point, dira-t-on – reste néanmoins fort intéressant puisqu'il concerne la principale période annuelle de la croissance des plantes agricoles. Et d'autre part, nous y reviendrons, ce même semestre est fortement influencé semble-t-il, d'année en année, de décennie en décennie, par les fluctuations homologues des A.M.O (Atlantic Multidecadal Oscillation), celles-ci jouant un rôle causal par rapport aux fluctuations susdites qui affectent, elles, sur le mode météorologique et agricole, les portions occidentales et tempérées du continent européen telles que France du nord et du centre, Benelux, Angleterre du Sud, Allemagne occidentale… Tout ceci confère éventuellement un arrière-plan océanique à nos réflexions historiennes sur les incidences terriennes et nationales de tels phénomènes atlantiques.

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Les A.M.O. correspondraient à des invasions d’eau tiède ou tout simplement à un réchauffement de l’Atlantique Nord, influençant de ce fait, dans le sens de l’attiédissement, les températures ouest-européennes, lors du semestre d’été et plus encore de l’été au sens classique du terme. A cela font suite, toujours dans le cadre AMO, des invasions ou simplement des présences d’eau fraîches dans l’Atlantique nord : elles exercent vice versa un effet rafraichissant lui aussi sur les pays ouest-européens et tempérés. Et ainsi de suite, de fluctuation tiède puis fraiche, à nouvelle fluctuation tiède puis fraiche, etc. On comprendra que nous ne nous attardions pas sur ces phénomènes de base puisqu’ils échappent par définition au métier d’historien tel qu’il est actuellement pratiqué.

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, la périodisation ou simplement la période qui va être envisagée, va de 1602 à nos jours. Les températures qu'elle a expérimentées au fil de ces quatre siècles ou même un peu davantage nous sont connues de 1602 à 1675 par les dates de vendanges dont on possède d'excellentes séries à Dijon, Beaune, en Bourgogne en général, et dans d'autres provinces françaises, ouest-allemandes et suisses. À partir de 1659 (Angleterre centrale) et à partir de 1676 (Île-de-France explorée par Daniel Rousseau), on dispose de séries thermométriques, mensuelles et annuelles, jusqu'à nos jours, mais nous utiliserons ici prioritairement la série francilienne à partir de 1676, puisque le foyer central de nos recherches écologico-historiques se situe en France du Nord et du Centre.

Nous avons utilisé le mot fluctuation, voire oscillation, et il y en eut sans aucun doute un certain nombre au XVe et XVIe siècle, mais à partir de 1602 inclus, les données sont plus solides, et on dispose de quasi certitudes, ce qui n'était pas le cas aux siècles antérieurs. Ceux-ci pourront être envisagés un jour avec des points de vue analogues à celui qui est maintenant le nôtre pour le XVIIe siècle et ses prolongements, mais de telles enquêtes fluctuationnelles avant 1600 voire avant 1500 ne sont pas encore à l'ordre du jour.

La première fluctuation ainsi "envisageable" sur le mode précis, va de 1602 à 1634. C'est la fluctuation XVII-A, première de ce siècle, que commodément nous appelons aussi fluctuation Galilée : ceci, en l'honneur du plus grand savant de l'époque, dans l'entourage duquel, sur le tard, furent mises au point les premières tentatives de thermomètre rudimentaire, à l'italienne. Néanmoins, faute de séries thermométriques disponibles avant 1676, nous utilisons, pour définir l'oscillation thermique au sein de cette entité chronologique dite galiléenne, les dates de vendanges bourguignonnes, confortée par les séries vendémiologiques des provinces voisines.

La susdite fluctuation Galilée commence classiquement par une séquence d'années majoritairement tièdes, qui va de 1602 à 1616. Cette séquence "tiédasse" coïncide avec ce qu'on a appelé la période de la "poule-au-pot", le règne maintenant pacifique d'Henri IV et les débuts de la Régence de Marie de Médicis qui n'est pas aussi désagréable qu'on le prétend quelquefois, tant s'en faut. Cela dit, la composante météo qui, par simple coïncidence, se trouve être attiédie, sauf exception, sur le mode séquentiel est elle aussi favorable aux productions agricoles, comme on peut le voir par les prix du blé généralement bas sur la place de Paris au cours de cette quinzaine d'années, pas désagréables somme toute.

Les choses changent, toujours dans le cadre de la fluctuation Galilée, de 1617 à 1634, séquence dorénavant plutôt fraiche. On y note effectivement, dans un registre parfois désagréable, des successions de semestres d'été frais et pourris qui, avec l'aide parfois d'un hiver trop froid, engendrent quelques crises de subsistance souvent de première grandeur, à répétition. On notera en particulier la famine anglo-française de 1621-1622, fruit d'étés pourris, surtout 1621, et d'hivers froids. Le fait est d'autant plus remarquable que les famines anglaises sont très rares, à cause d'une agriculture plus efficiente qu'en France, et à cause de la facilité des importations frumentaires par voie maritime. On ne retrouvera de famine anglaise comparable qu'en 1649, même si ce qu'on appelle famine en Angleterre n'est souvent qu'une très grosse disette, moins sauvage et moins désastreuse que les véritables et grandes famines françaises de l'époque. Les étés très frais et pourris de 1625 à 1628, quatre millésimes successifs, déclenchent aussi à Paris des crises de subsistance fort caractérisées. Enfin, les terribles famines de 1629-1630, dans les régions de Tours et d'Agen, sont liées à de formidables pluies, nées elles-mêmes de situations dépressionnaires lors des semestres d'été, voire d'hiver. Normalement, au cours d'une famine, les gens ne meurent pas de faim comme on pourrait le croire, mais de maladies diverses (dysenterie, typhus, fièvre) liées à la sous-alimentation. Néanmoins, dans la région agenaise, un curé signale dans sa paroisse une centaine de personnes littéralement mortes de faim, dont il donne les noms. C'est dire le caractère extrémiste de cet épisode famineux 1629-30.

Nous arrivons, dans l'ordre chronologique, à la deuxième fluctuation "chaud-froid", plus exactement tiédeur puis fraicheur dans le cadre du XVIIe siècle. C'est la fluctuation XVII-B « Mazarin », qui va de 1635 à 1658. Chronologie précisée grâce aux travaux vendémiologiques récents, à Dijon, de MM. Gaveau et Labbé. La période en question correspond en effet à la phase majeure d'influence et de pouvoir de ce grand Ministre, diplomate habile quoique pas toujours financièrement honnête. Cette fluctuation XVII-B se décompose en une première séquence qui est plutôt tiédasse ou tiède, voire parfois caniculaire, et une seconde séquence, plus fraiche, à partir de 1648. La première séquence tiède va de 1635 à 1647. Les semestres d'été qui sont effectivement caniculaires vont de 1635 à 1639 ; ils se caractérisent par l'ensoleillement chaud favorable aux moissons. D'où de bonnes récoltes de blé et les bas prix de cette céréale et du pain. Richelieu peut commencer sa guerre ouverte (1635) inaugurant la participation militaire française à la guerre de Trente ans avec des soldats convenablement nourris. La subsistance ne manque pas, mais il y a aussi, en cette même conjoncture, l'inconvénient de la canicule tueuse, notamment en 1635/36 et 1639, où elle massacre les jeunes enfants en liaison également avec des épidémies de peste violentes. La susdite canicule, pour sa part, massacre de jeunes enfants par suite des dysenteries qu'elle engendre. Valérie Daux s'est attachée à cet épisode de sècheresse impliquant baisse et infection des nappes phréatiques, et déshydratation mortelle (toxicose par excès de chaleur) à l’encontre des bébés. Au cours de la susdite séquence tiède 1635-1647, on ressent néanmoins un petit ressaut de fraicheur de 1641 à 1643. Un groupe d'étés pourris frais, dépressionnaires, qui va donner lieu, dans le sud-ouest de la France, et spécialement dans l'Aveyron, alias Rouergue, à de mauvaises récoltes céréalières, à de fortes hausses du prix des grains, voire famines et disette aveyronnaises en 1643. Grosses émeutes de subsistances et de mécontentement ; parmi ces émeutiers, les nouveaux croquants pénètrent en masse à Villefranche-de-Rouergue, tambour battant et mèche allumée. Après ce petit sous-épisode 1641-43, la chaleur estivale revient. En 1645, un curé bourguignon note l'émergence d'un vin furieux, grâce à l'été très chaud et à la vendange précoce : un vin à forte teneur en sucre ; et donc, après fermentation, riche degré alcoolique.

La séquence tiède, disions-nous, s'arrête en 1647 inclusivement et la séquence fraiche ou composée en majorité d'années fraiches, "démarre" en 1648. Il ne s'agit pas, bien, sûr, de dates aussi précises que celles d'une bataille ou d'un changement ministériel... La séquence fraiche commence donc en 1648 et se termine en 1658 inclus.

Notons incidemment que ces fluctuations, ainsi que les deux séquences plutôt douces puis plutôt fraiches dont se compose chacune d'elles, sont de durée variable, la trentaine d'années environ, ou bien le quart de siècle grosso modo, ou même moins que cela, ou vice et versa davantage que la trentaine de millésimes. Il ne faut chercher en l'occurrence aucune trace d'un cycle régulier, du genre cycle solaire ou autre. La dépendance chronologique la plus directe vient semble-t-il des variations du complexe océan/atmosphère dans l'espace Atlantique.

La séquence fraiche 1648-1658 débute par un triennat pluvial et dépressionnaire remarquable du semestre d'été 1648-49-50. Politiquement, ce qui en principe n'a rien à voir, ce sont les trois premières années de la Fronde, dite Fronde parlementaire. Néanmoins, la coexistence triennale de l'agitation politique et du trouble météo n'est pas sans conséquences. La pluviosité du triennat 1648-50 est excessive : on le sait par les mesures pluviométriques qui donnent le nombre mensuel et annuel des jours de pluie à l'époque. Les moissons sont affectées et le mécontentement social, originellement tout à fait indépendant de la météo, s'amplifie du fait des chertés accrues du panifiable, de ce fait induites. L'hiver glacial de 1648-49 n'arrange rien ; ce complexe pluie-froid crée des difficultés supplémentaires pour le petit peuple en France septentrionale et aussi en Angleterre, mauvaises récoltes de 1649, agitation politique indépendante de tout cela... ou connexe, décapitation du roi Charles Stuart, etc. Les historiens britanniques admettent l'existence d'une grosse disette insulaire, voire d'une famine, terme peut-être excessif, en 1649 ; de quoi aiguiser les frustrations populaires en divers domaines, disetteux... et anti-royalistes. Des années fraiches et pourries, point gravissimes, s'imposent encore vers les dernières années de notre fluctuation Mazarin. Ainsi se sont manifestées, à partir de 1648, les retombées terminales de cette fluctuation, dans un bain de fraicheur excessif. Les Pays-Bas, à partir de 1648, ne souffrent d'aucune agitation politique grave qui eût été préjudiciable, outre la météo adverse, au niveau de vie des populations, comme ce fut le cas par contre en France frondeuse et en Angleterre révolutionnée. Et pourtant la synchronie est remarquable, les Pays-Bas souffrent de cette écologie adverse, qui chez eux est purement "climat/récoltes", nullement politique. Hausse des prix du grain très nette, très vigoureuse, sur le marché d'Amsterdam (comme à Paris et à Londres incidemment). De quoi faire souffrir le petit peuple néerlandais ; de quoi enrichir en revanche les grands négociants du blé amsterdamois.

Néanmoins, après ces épisodes simultanément frondeurs et pluvieux, la conjoncture climatique des années 1650 devient moins remarquable puisque la Fronde des Princes post-1650 et terminée en 1653, constitue surtout un phénomène politico-militaire, catastrophique certes, mais au cours duquel la météo hostile ne joue qu'un rôle assez faible. On notera quand même, pour la bonne règle, le maximum historique de la Mer de Glace en 1644 et celui, helvétique, du glacier d'Aletsch en 1653. On signalera aussi la grande inondation parisienne de la Seine en 1658, débordement centennal et hivernal, pire qu'en 1910. On a enregistré également d'après J.M. Moriceau des années franciliennes fraiches et pourries vers 1657-58, mais sans conséquences trop dommageables pour les populations de la France du nord.

Après la fluctuation XVII-B, d’époque Mazarin, que nous venons d'envisager surgit toujours pour le semestre d'été d’avril à septembre, la fluctuation XVII-C d’époque colbertienne (1659 à 1675). Elle est donc assez courte : seize années au total. Son interruption à l'exacte fin du troisième quart du XVIIe siècle est peut-être due à des phénomènes violents, tels qu'éruptions volcaniques quelque part sur la planète, celles-ci ayant rafraichi légèrement l'atmosphère à force d'aérosols. L'oscillation "A.M.O" du système océan-atmosphère n'est pas forcément à mettre en cause pour cette terminaison brutale, comme cela se produit par contre dans bien des cas semble-t-il pour nos autres fluctuations multi-décennales observées du XVIIe au XXIe siècle. La chose est pratiquement certaine dans la dernière période, post-1850.

Pour en rester à cette fluctuation XVII-C qui fait présentement l'objet de nos réflexions, une référence colbertienne est tout à fait idoine, puisque le grand ministre ainsi mis en cause s'intéressait considérablement à l'économie, notamment aux problèmes du ravitaillement en blé, qui préoccupaient également Louis XIV. La fluctuation XVII-C inclut d'abord une séquence relativement tiède, comme pour chacune de nos fluctuations majeures, antérieures puis ultérieures. Cette séquence tiède va de 1659 à 1671, notamment d'après la chronologie des dates de vendange plus précoces en l'occurrence, chronologie récemment proposée pour Dijon par MM. Gaveau et Labbé. Nous avions placé cette séquence sous le signe du Roi Soleil, puisqu'il s'agit en effet, physiquement en ce qui nous concerne, de semestres d'été souvent bien ensoleillés et chauds. Au début de ces treize années "séquentielles/tièdes" en principe, on notera néanmoins, initialement ou presque, la famine de 1661, l'une des trois grandes famines du règne personnel de Louis XIV en l’occurrence de 1661 à 1715, soit trois énormes disettes en cinquante cinq ans, à comparer aux cinq énormes disettes des quarante-six années des Guerres de religion (1561-1596), celles-ci incidemment marquées par les horreurs des conflits militaires, eux-mêmes aggravés par l’instauration continue du petit âge glaciaire à partir des années 1560. De cinq famines en quarante-six ans à trois en cinquante cinq ans, on n'arrête pas le Progrès, si l'on peut dire, mais le XVIIIe siècle post-Louis XIV sera, lui, beaucoup plus clément pour l'alimentation des peuples qui deviendra plus adéquate. La famine de 1661, certes, est liée à un été 61 pourri, plus exactement à une suite de saisons pourries parmi lesquelles le printemps et l'été 61. Mais la fraicheur de l'atmosphère pour ce semestre estival de la première année du règne personnel de Louis XIV n'est pas à mettre en cause, ce serait plutôt une année de mousson, avec une température normale et même légèrement tiède, dans le style de cette séquence initiale de la fluctuation XVII-C, le tout étant extrêmement arrosé (flot de dépressions pluvieuses arrivant de l'Atlantique), ce qui a beaucoup nuit aux céréales. Par la suite, on va avoir de très beaux étés fort ensoleillés, dans le style de la séquence tiède colbertienne, auquel nous avons fait référence, le tout jusqu'en 1671 inclus. On évoquera à ce propos l'incendie de Londres lors de l'été 1666 (du 2 au 5 septembre), ainsi que, durant cette même séquence attiédie, de grosses récoltes de blé favorisées par le soleil, et faisant s'écrouler les prix de ce grain, phénomène que certains historiens (J. Meuvret et E. Labrousse par exemple), obsédés par l'exemple de la déflation post-1929, ont pris pour un indice de crise économique, alors qu'il s'agissait d'une époque où le peuple, assez bien nourri, sans cherté désagréable du pain, mangeait à sa faim. Mme de Sévigné écrit du reste "Je crie famine sur mon tas de blé", la marquise s'affligeant ainsi, en grande propriétaire terrienne, de ce que ses fermiers, croulant sous l'abondance frumentaire, ne parviennent point à vendre à des prix élevés, qui seraient rémunérateurs pour la Dame, les grains produits sur les domaines du Marquisat. Surabondance grainetière et déflation du cours de la céréale : la situation est favorable pour Louis XIV lui aussi, qui peut se lancer ainsi dans ses premiers grands chantiers architecturaux, avec une classe ouvrière à salaires modiques, mais suffisants pour qu’elle soit nourrie convenablement. Les soldats aussi sont aisément alimentés, puisque l'intendance militaire se procure, sans débours majeurs, le pain et autres denrées nécessaires à la troupe. Le Roi de France peut ainsi se lancer dans des petites guerres faciles, qui donnent à l'Hexagone sa forme actuelle ou peu s'en faut, avec la conquête, aux dépens de l'Espagne, des Pays-Bas du sud qui formeront les départements du Nord et du Pas-de-Calais contemporains. La fin de la fluctuation XVII-C est couronnée par une séquence plutôt fraiche, classique, qui va en termes de semestres d'été de 1671 à 1675 : printemps-étés plus frais, vendanges plus tardives. Vient en particulier l'étonnante année 1675, avec une vendange en octobre, la plus tardive de 1650 à 1691. Christian Pfister a positionné ce millésime 1675 parmi ceux qu’il dénomme « années sans été » ; comme plus tard en 1816, quand viendra l'effet Tambora (cf infra). Un été 75 très frais, voire très froid. La Sévigné écrit à sa fille, alors en Provence, le 28 juin 1675 : "Nous nous chauffons, et vous aussi, ce qui est une bien plus grande merveille". À Paris, les cérémonies religieuses permettent de hâter par faveur divine la fin de ces fraicheurs excessives, mais dans le Sud ces fraicheurs restent marquées et les blés, à l'échelle nationale ou du moins septentrionale et centrale, du Royaume, en souffrent quelque peu, sans plus ; la récolte vinique en est affectée bien davantage. Le breuvage recueilli, quant au cru 1675, est exécrable spécialement dans le Midi.

Nous arrivons alors à une nouvelle fluctuation XVII-D dite Vauban, qui va de 1676 à 1701. Nous pouvons dorénavant utiliser les chiffres et les courbes thermométriques qu'a mises au point l'un d'entre nous (D.R.) ; elles concordent du reste tout à fait avec les dates de vendanges pour la période avril à septembre ; concordance aussi avec les températures d'Angleterre centrale publiées par Gordon Manley. La fluctuation Vauban dure 26 ans, façon de dire que la longueur temporelle des 14 fluctuations que nous envisageons et envisagerons ici même est variable. Fluctuations, oui. Cycles de longueur toujours égale, non. La fluctuation Vauban se décompose comme toujours en deux séquences, la première plutôt tiède, la seconde plutôt fraiche ou même très fraiche. Plus généralement, nous avons choisi le nom de Vauban puisque ce maréchal s'est beaucoup intéressé à la famine de 1693, due à l'excès des pluies 1692 et suivantes plutôt "frisquettes", avec peut-être un petit coup d'échaudage sur la moisson 93 murissante.

Indépendamment de cette notation, la séquence tiède va de 1676 à 1686, elle implique effectivement de très beaux semestres d'été avec de fortes sécheresses dans le Midi de la France : ils se tiennent à 0,5º en plus, en moyenne, par rapport à la moyenne triséculaire 1676-2008. Vraiment des étés chauds, donc. On distinguera parmi eux, dans cette catégorie chaleureuse, ceux de 1676, 78, 79, 80, 81, et aussi les quatre semestres d'été qui vont sans exception de 1683 à 1686. Nous avons déjà signalé les grosses sécheresses françaises méridionales ; les puits sont à sec, le canal du Midi idem, ou presque. On se reportera sur ces questions à nos Paysans de Languedoc, chapitre I, celui-ci totalement climatologique, mais un peu oublié par les historiens climatologues. Certes il y a aussi de grands hivers, surtout celui de 1684, avec un mètre de neige un peu partout qui protège les semences ou plutôt les semis. Mais les hivers n'entrent point à part entière dans notre sujet. Dans la moitié nord de la France, très belles récoltes de blé en général, ensoleillées à souhait et, du coup, les prix du grain sont bas. A priori le "menu peuple" ne souffre pas de la faim ; Louis XIV nourrit facilement ses soldats, ses dragons qui font malheureusement la révocation de l'édit de Nantes (1685). Les ouvriers qui mènent à bon terme la construction du château de Versailles bénéficient également d'un pouvoir d'achat frumentaire correct, du fait de ces prix rabaissés. Nous avons dénommé cette séquence tiède "le Roi Soleil bis" puisque lors des années 1659 à 1671, et pour cause similaire de chaleur estivale, nous avions simplement employé la titulature "le Roi Soleil".

Vient ensuite la séquence fraiche de la "décennie et demie" fin de siècle ; séquence fraiche redoutable puisque de 1687 à 1701, on a 15 printemps-étés dont seulement 3 font preuve de quelque tiédeur, soit 80 % de millésimes plutôt frais. L'écart de cette séquence fraiche par rapport à la séquence tiède qui l'avait précédée dans le cadre de la fluctuation Vauban est de -1,1º en moyenne ; et de -0,6º par rapport à la moyenne triséculaire 1676-2008. Cette "rude fraicheur" de la quinzaine d'années terminales du XVIIe et initiales du XVIIIe a été remarquée depuis longtemps par les climatologues, notamment en Angleterre. Deux grandes famines procèdent de ces fraicheurs et surtout de l'excès des pluies qui les accompagne de temps à autre, compte tenu du caractère dépressionnaire de ces semestres d'été. Moissons pourries ! C'est le cas de la famine française et plus que française de 1693, procédant notamment des lourdes pluies de la belle saison jusqu'aux semailles et au-delà, en 1692. Dès les derniers mois de 92, un Intendant de généralité du centre du royaume avait prévu cette grande famine pour 1693. Notons aussi, toujours au "sein" de cette décennie trop froide et trop humide, qui plus est glaciale dans les pays nordiques, les grandes famines de 1696-97 en Écosse, Scandinavie et surtout Finlande : ce pays perd à cette occasion par surmortalité un quart de sa population. Il est vrai que la Finlande à l'époque n'est qu'un petit pays pauvre et mal peuplé, avec seulement 300 000 habitants, mais beaucoup d'entre eux sont victimes de cette énorme crise de subsistance. Quant à l'Écosse, les famines de la fin du XVIIe siècle sont source d'impopularité pour le ci-devant Néerlandais Guillaume d'Orange, roi d'Angleterre, monarque anglo-écossais depuis la Glorieuse Révolution britannique de 1688.

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Les quatre fluctuations du XVIIIe siècle

Nous arrivons maintenant à la fluctuation XVIII-A, 1702-1717 ; elle est donc relativement brève, ne couvrant que 16 années. Cette fluctuation initiale du XVIIIe siècle, nous l'avions dénommée Saint-Simon ; de fait, le duc de Saint-Simon, dans sesMémoires, s'est intéressé aux inondations en général et surtout à l'hiver famineux de 1709. Sans aucun doute, il garde un œil sur le climat du moment et mérite ainsi de donner son nom à cette plus que quinzaine d'années inaugurales de l'âge des Lumières. Elles voient également l'apogée du talent saint-simonien, dans les narrations du Mémorialiste, curiales et politiques, sur la fin du règne de Louis XIV et la Régence.

Cette fluctuation 1702-1717 comporte d'abord, sur le mode classique, une séquence tiède et même très tiède pour la période "avril à septembre" (1702-1708), car tous les chercheurs, Lachiver en tête, ont été frappés par les canicules de cette sous-période et par sa tonalité généralement chaleureuse. Au cours de ce septennat 1702-1708, on ne note aucun semestre d'été frais, tout au plus deux années moyennes et le reste chaud. Températures supérieures à la moyenne : un demi degré en plus en moyenne par rapport à la moyenne générale plus que triséculaire de 1676-2008. Le semestre d'hiver lui-même (octobre à mars) est réchauffé de même avec 0,6º en plus, selon un mode de calcul similaire. Les années 1704/5/6/7 sont marquées, toujours dans la moitié nord de la France, par des prix du grain rabaissés, "fruits" de moissons abondantes, ou moyennes pour le moins. Prélèvement mortel : 200 000 décès additionnels, d’origine caniculaire pour une grande part, qu'on retrouvera lors de canicules similaires en 1747 et 1779. Rappelons qu'en 1911 un phénomène caniculaire analogue ne provoquera "que" 40 000 morts dont beaucoup d'enfants, une fois de plus (déshydratation, toxicoses, eau infectée, etc.). Il s'agit ici de la canicule de 1911.

À ce propos, on se livrera à quelques réflexions sur la "crise de la fin du règne" de Louis XIV : il est d'usage chez les historiens de parler des années qui courent de 1690 à 1715 en termes horrifiques. L’adjectif est exact pour la décennie 1690 "illustrée" par la guerre de la Ligue d'Augsbourg, mais aussi par la grande famine de 1693 avec son plus d'un million de morts et les grandes famines nordiques, les unes et les autres, 1693 et les suivantes qu'on vient d'évoquer, étant liées à des hivers froids et surtout des semestres d'été puis d'automne pourris, destructifs des céréales. Même problème de subsistance pour les années 1709-1714, avec leurs grands froids d'hiver (1709), d'où famine, puis les crisettes subsistantielles des années suivantes, presque jusqu'à la mort de Louis XIV, provoquées par des fraicheurs semestrielles estivales trop marquées, trop humides, notamment. Mais cette motion de crise n'est pas "relevante" pour les années 1702-1708, ensoleillées à souhait, que nous avons même dénommées dans un précédent ouvrage "le septennat du Roi Soleil ter", comparable aux belles périodes, ensoleillées elles aussi, des 1660's (post 1662), et des 1680's. Certes, en ce début du XVIIIe siècle, les armées françaises se font battre en Italie sous la conduite de l'inepte Villeroy. Mais c'est, de toute façon, moins grave que d'être vaincu sur la Loire.

Donc "crise de la fin du règne" de Louis XIV : oui, pour la fin du XVIIe siècle ; oui pour les dernières années du règne, à partir de 1709 ; non, pour ces très belles années 1702-1708 ; très belles, si l'on ne tient pas compte, bien sûr, des 200 000 morts supplémentaires provoquées par ces canicules de la première décennie du XVIIIe siècle, propices aux céréales certes, ipso facto mortelles pour de très nombreux bébés. Mais grâce à l'ensoleillement, les grains sont récoltés en abondance, leurs prix sont bas, le menu peuple est convenablement nourri. Il demeure plus qu'indifférent aux défaites des armées royales en Italie, puisqu'aussi bien la plèbe en question n'est même pas informée de telles défaites militaires.

Nous en revenons dorénavant à la séquence fraiche de la fluctuation XVIII-A, 1709-1717. Bien sûr, ce qui frappe énormément, au début de telles fraicheurs, c'est le grand hiver de 1709, surtout janvier, avec les récoltes à venir détruites sur pied ; les 600 000 morts supplémentaires sur 20 millions de Français ou plus exactement d'hexagonaux, s'agissant de décès qui sont très minoritairement causés par le froid, mais surtout par la sous-alimentation qu'induira le déficit des moissons. Elle frappera mortellement les populations, plus spécialement au printemps de 1710, quand granges et greniers auront été totalement vidés de leur maigre contenu frumentaire, lequel se bornait à témoignerpost factum sur la collecte des blés catastrophique de 1709. Il faut signaler au passage que, plus que décembre 1708, février/mars 1709, c'est janvier 1709, -3,7° de moyenne mensuelle, qui a consommé la destruction glaciale des récoltes, du bétail etc. Mais ce qu'on ne sait pas suffisamment, c'est qu'en fait ce sont tous les semestres d'été postérieurs au susdit grand hiver (et qui vont de 1709 à 1717) qui sont frais, en dessous des moyennes triséculaires, parfois fortement, parfois faiblement, à la seule exception de 1715, qui du reste, à ce point de vue, n'est pas une année positive mais simplement moyenne. On a donc, outre deux hivers affreusement froid (1709) ou extrêmement froid (1716), pendant toute cette séquence fraiche, une séquence de printemps-étés "frisquets", voire pourris, à la seule exception de 1715, le tout étant quelque peu désagréable pour les blés, ce qui donne lieu à ce qu'on pourrait appeler des crises, ou tout du moins des crisettes de subsistance. Elles s'inscrivent notamment sur le parcours relativement bref d'un cycle de renchérissement des grains, qui va de 1711 à 1713. Il constitue pour les populations une gêne indéniable, mais il n'a pas l'extrême gravité de la terrible épreuve qui fut subie par le royaume de France en 1693 et en 1709.

À ce point de notre exposé, nous parvenons à la fluctuation XVIII-B qui va de 1718 à 1746. Nous l'avions placée sous le patronage de Montesquieu, inventeur de la théorie des climats, certes discutable, mais très innovatrice pour l'époque, théorie qui définit les caractères originaux des civilisations respectives en fonction de leur position au grès des latitudes, tempérées ou tropicales selon le cas, les peuplements méridionaux ou ultra méridionaux ayant ainsi des comportements différenciés par comparaison avec leurs congénères situés plus au nord ou très au nord. Au sein de la fluctuation XVIII-B « Montesquieu », la séquence tiède, très bien caractérisée, va de 1718 à 1739. Cette grosse vingtaine d'années se situe en moyenne, pour le semestre d'hiver, à +0,4º supplémentaires par rapport à la période 1676-2008, et pour le semestre d'été, la différence positive est également, dans les mêmes conditions, de +0,4º. Cette séquence tiède est particulièrement longue, embrassant un peu plus d'une double décennie. Au cours de cette séquence, on compte seulement trois années au-dessous de la moyenne, 3 années sur 22, une sur 7, ce qui définit parfaitement vice versa une longue phase de tiédeur, le tout étant confirmé, outre la série thermométrique française, par les séries homologues situées en Angleterre centrale et aux Pays Bas. Ces années fraiches, au fil d'une longue phase très majoritairement tiède, sont, quant au semestre d'été : 1720 ; ensuite 1725, un semestre d'été vraiment très frais, pourri, hyper pluvieux, brumeux, ciel très sombre, absence d'ensoleillement, atteinte portée aux récoltes, nécessité d'importer du blé, notamment d'Angleterre, émeutes de subsistance, mais au total c'est simplement une semi-disette, pas une vraie famine ; enfin 1739, semestre d'été un peu rafraichi, faisant suite à un hiver très doux. Dans l'ensemble, cette séquence tiède étalée sur 22 ans correspond, malgré des exceptions dues à l'inévitable variabilité, à une longue période bi-décennale de prix du blé rabaissés. Le minimum de ces cours frumentaires se situe en 1735, comme l'a souligné Ernest Labrousse ; signe chronologique de longue facilités frumentaires favorables à un relatif bien-être des peuplements, très relatif certes. On signale aussi, à partir de 1730, un problème de surproduction viticole, due aux nouvelles plantations des ceps, mais aussi, comme plus tard en 1907, provoquée par une série de millésimes ensoleillés favorables à l'excessive prolifération des raisins, elle-même productrice de prix de vente trop bas, à la production, pour l'écoulement des breuvages. Les viticulteurs sont victimisés et le gouvernement royal doit prendre une décision interdisant toute extension des superficies du vignoble français.
Cette décision royale est appliquée plus ou moins, et de toute manière il n'y a pas de mouvement de révolte des viticulteurs, comme ce sera le cas par contre en 1907, dans des conditions de surproduction analogues. Par ailleurs, la séquence tiède fut inaugurée par deux années de canicule extraordinaire en 1718 et 1719. Ce deuxième épisode annuel ultra-chaud (1719) a provoqué la mort de plus de 400 000 personnes supplémentaires parmi lesquelles, une fois de plus, un grand nombre d'enfants (déshydratation, toxicose, etc.). Simultanément, au cours de ce biennat, les sauterelles venues du Maghreb ont franchi la Méditerranée vers le nord, les sécheresses ont sévi notamment au sud de l'hexagone. Pour en rester aux faits de mortalité, on a connu trois épisodes gravissimes du même genre, à la fin du règne de Louis XIV et sous la Régence de Philippe d'Orléans : la famine de 1693, due aux pluies excessives, notamment sur les semailles en 1692, le tout suivi peut-être par un épisode d'échaudage/sécheresse lors de l'été plutôt brûlant (août 1693 : 20,1° de moyenne) ; ensuite, le grand hiver de 1709, 630 000 morts, étalées aussi sur le printemps 1710, famineux du fait de la destruction des récoltes par le gel de 1709 ; enfin, la susdite canicule meurtrière de 1719 : ainsi la pluie, le gel, et l'excès de chaleur ont attaqué de front, provoquant des tueries massives à trois reprises.

Nous arrivons à la séquence fraiche de la fluctuation XVIII-B « Montesquieu » qui va de 1740 à 1746. L'hiver 1739-40 est très rude, surtout en janvier (moyenne mensuelle -3,2), même épreuve qu'en janvier 1709. Le printemps et l'été sont trop frais et pourris, les récoltes céréalières sont fortement diminuées par "gel + pluie", fortes crises de subsistance, le setier de froment, qui était à 12 ou 13 livres pendant les belles années 1730, passe à 23 puis 37 en 1740 et 1741 (année post récolte dans le sillage de 1740), et doublement puis triplement. Ces prix trop élevés retomberont lors des années suivantes, mais entre temps, le rude épisode 1740 et post mauvaises récoltes 40-41 aura provoqué environ 100 000 morts supplémentaires, soit beaucoup moins qu'en 1693 (1 300 000 morts). Il faut dire que depuis la fin du XVIIe siècle jusqu'au deuxième tiers et à la mi-temps du XVIIIe siècle, la France s'est nettement enrichie, ce qui réfute la légende noire complaisamment répandue à propos de l'Ancien Régime par Hippolyte Taine et ses disciples. Cette mortalité 1740 de la fin du ministère Fleury demeure néanmoins considérable, la sous-alimentation facilite chez les plus pauvres et chez bien d'autres l'occurrence de la dysenterie, du typhus et des fièvres, parmi lesquelles, bizarrement, le paludisme. Les semestres d'été qui vont suivre dans l’immédiat restent marqués par des déficits thermiques en comparaison de la période 1676/2009, à l'exception de 1746 qui est simplement moyen.

Nous arrivons alors à la fluctuation XVIII-C dite Choiseul. Elle va de 1747 à 1774. Comme toujours, deux séquences, dans le cadre de cette oscillation étalée sur 28 ans. La première séquence, plutôt tiède, inclut 16 années de 1747 à 1762: onze d'entre elles sont au-dessus de la moyenne triséculaire, cinq sont au-dessous, les récoltes souvent ensoleillées sont en moyenne assez abondantes ou suffisantes, les prix du blé restent relativement calmes, autour de 15 à 20 livres le setier, chiffre qui ne doit sa relative hauteur apparente qu’à la hausse longue séculaire des prix de toutes sortes au XVIIIe siècle, hausse longue et lente qui ne doit rien ou si peu au climat mais qui est provoquée par l’animation générale de l’économie européenne au temps des Lumières, par l’arrivée de l’or du Brésil, etc. On dispose donc d'une série de grosses récoltes, notamment autour de 1757-60, avec en particulier un été 1757 très chaud, avec des prix du blé rabaissés de surcroît en 1761-62-63-64, eux-mêmes significatifs d'un environnement météo favorable. Les choses en viennent à tel point que le gouvernement de Louis XV, sous la direction du libéral Choiseul, décide de libérer le commerce du blé, par annulation d'un grand nombre de règlements destinés à le surveiller pour éviter le danger des disettes et des spéculations. Comme l'a noté Michelet de façon simplifiante, "il y avait un prisonnier, le blé ; on l'a donc libéré". On dispose ainsi d’années céréalières assez abondantes, leur chronologie favorable étant à peu près similaire en Île-de-France et en Suisse, elle-même étudiée par Christian Pfister.

Pourtant, à partir de 1763 et jusqu'en 1774, la séquence fraiche qui forme la deuxième partie de la fluctuation Choiseul s'impose. On perd 0,6º en moyenne pour le semestre d'été par rapport à la séquence tiède précédente qui formait la première "section" de la fluctuation Choiseul. L’éventualité d'années pourries se fait dorénavant sentir. C'est le cas en 1770 avec une perte de 0,8º pour le semestre d'hiver et de 0,6º pour le semestre d'été par rapport aux moyennes triséculaires. À partir de 1768, en raison de circonstances météo défavorables, trop fraiches et/ou trop humides, les mauvaises récoltes et la hausse des prix frumentaires s'imposent, les phénomènes guerriers qui avaient tant aggravé les chertés du pain sous Louis XIV ne jouent aucun rôle dans cette affaire vers la fin de Louis XV, puisque la France est en paix avec l'Europe depuis 1763 et jusqu'à la mort de ce monarque et au-delà. On passe à 30 livres le setier de froment en 1769 et 70, puis 33 livres en post-récolte 1771. Les phénomènes de mortalité sont beaucoup moins importants qu'en 1740, mais la cherté du froment produit une crise politique (comme plus tard en 1788/89, mais moins gravement). Le libéral Choiseul est limogé en 1770, il est vrai que Madame de Pompadour n'est plus là pour le protéger comme au temps de ce qu'en histoire de l'art on aurait pu appeler l'époque Rococo-Pompadour. Crise de subsistance et crise politique se conjuguent : une équipe ministérielle dirigiste dans tous les sens du terme est mise en place, avec Maupeou à sa tête. L'abbé Terray, au Contrôle général des Finances, annule la politique de libération du commerce du blé, qui remontait à 1764, fille d’une époque plus heureuse. Terray remet en place pour éviter, du moins, c'est ce qu'on espère, l'emballement des prix sur les marchés, les règlements traditionnels qui corsetaient le commerce des céréales. Les grandes études historiques de Steve Kaplan sont essentielles quant à cette série d'événements. Les semestres d'été frais persistent sans interruption de 1769 à 1774, avec des moyennes thermiques qui tournent tous les ans au-dessous de la série triséculaire. En 1774, une récolte médiocre, par excès des pluies voire des fraicheurs, provoque au printemps suivant (1775) la guerre des farines, émeutes de subsistance en chaîne autour de la capitale. Il ne s'agit nullement d'une famine, simplement d'un mécontentement populaire provoqué par la cherté du pain dans les circonstances environnementales qu'on vient de décrire, s'agissant de 1774 à leur point de départ spécifique. La guerre des farines n'est nullement la Révolution Française, mais il y a quand même, dans cette affaire, une petite annonciation des phénomènes similaires quoiqu'infiniment plus graves, qui vont intervenir en 1788/89.

Vient enfin la quatrième fluctuation (XVIII-D) du XVIIIe siècle, que nous avons baptisée Lavoisier de 1775 à 1799, puisqu'aussi bien ce grand savant s'occupait occasionnellement du problème des subsistances.

La séquence tiède, initiale, très nette en effet va de 1775 à 1781. Elle fut étudiée de façon admirable, dans une perspective fort différente il est vrai, par Ernest Labrousse en sa grande thèse sur la crise de surproduction viticole et l’effondrement (corrélatif) des prix du vin au cours de cette série d’années. Surproduction due bien évidemment aux très bonnes conditions climatiques – printemps-étés chauds, vif ensoleillement – dont a bénéficié la vigne, lors du quadriennat 1778-1781. On note aussi une canicule tueuse lors de l’été et de l’automne 1779 (200 000 morts supplémentaires dans l’hexagone). De même les récoltes de céréales ont été bonnes ou moyennes, jamais catastrophiques au cours de cette première séquence, comme ce fut ou sera le cas par contre en 1770 et 1788. Il y eut donc au cours des années 1770 (post-1771) une baisse générale des prix agricoles et autres, motivée par ces diverses surabondances.

Tout cela fort bien décrit par Labrousse. Il eut simplement le tort, obsédé par l’exemple de 1929, d’y voir une dépression économique préparatoire aux mécontentements dont sortira la Révolution française. En fait, en deuxième moitié de la décennie 1770 et début des 1780’s, le peuple, grâce à l’absence de cherté alimentaire et vinique, était relativement bien nourri et convenablement abreuvé. La tonalité générale était encore placée sous le signe d’une croissance économique, typique de la France du XVIIIe siècle. La vraie crise économique traumatisante n’aura lieu qu’à partir de 1787 et surtout 1788 : faibles mauvaises moissons 1788, préparatoires en effet parmi des dizaines de causalités au grand événement « 89 » que l’on sait.

À partir de 1782 inclus et jusqu’en 1799, nous parvenons à la séquence fraiche de la fluctuation XVIII-D Lavoisier: celle-ci est marquée en effet par une chute thermique moyenne du semestre d’été de 1º exactement par rapport à la séquence tiède précédente ; chute aussi de 0,4º par rapport à la moyenne tri-séculaire 1676-2008. Chute thermique également marquée du semestre d’hiver et de la moyenne annuelle toujours pour cette période 1782-1799. Sur 18 semestres d’été (1782-1799), on en compte douze qui sont en dessous de la moyenne tri-séculaire. La tendance fraiche est donc incontestable mais le paradoxe; c’est que les deux années essentielles en ce qui concerne les préparatifs puis le déroulement de la Révolution française, autrement dit 1788 et 1794, ces deux années ont, elles, des printemps-été plutôt tièdes en contraste avec la tendance générale plutôt rafraichie de l’ensemble 1782 à 1799. L’an 1788 est marqué globalement par des pluies d’automne 1787 quelque peu nuisibles aux semailles, puis c’est l’échaudage fin de printemps 1788 avec en outre des intempéries estivales, les unes et les autres fabriquant la mauvaise récolte 88 déclencheuse de cherté frumentaire et d’innombrables émeutes de subsistance, lesquelles s’intègrent au tableau général des divers événements et causalités, non climatiques pour l’immense majorité d’entre elles, qui vont mener à la Révolution. L’an 1794 est marqué « incidemment » par Thermidor qui n’a rien à voir avec notre sujet mais c’est aussi une année plutôt tiède en ses deux semestres d’hiver puis d’été. Celui-ci terminé comme de juste en septembre 1794 inclus. Cette année s’accompagne elle aussi d’échaudage et d’intempéries d’où mauvaises récoltes 1794, dont les conséquences sont aggravées par le blocus maritime et par la guerre. Les graves émeutes de subsistance au printemps suivant 1795, printemps de la faim pour beaucoup de gens, culminent avec l’insurrection populaire et sans-culottes de Prairial, écrasée par la bourgeoisie républicaine… et royaliste. C’est la fin du mouvement jacobin et « sans-culottide ». La Révolution persiste mais devient plus sage en attendant le coup d’État de Brumaire.

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Phase ultime et final apogée du petit âge glaciaire de 1800 au début des années 1850

Nous arrivons dorénavant à la fluctuation XIX-A qu’on pu placer sous le signe de Napoléon Bonaparte mais pour éviter toute polémique, nous lui avons donné simplement le nom de fluctuation Goethe. Elle va de 1800 à 1817.

Elle se décompose en deux séquences, elle aussi : la première plus tiède va de 1800 à 1808. La seconde, assez fraîche, va de 1809 à 1817.

Première séquence de 1800 à 1808: sur neuf semestres d’été, trois seulement sont à tendance fraîche par rapport à la moyenne triséculaire. Dans ce trio, on compte seulement une année quelque peu difficile. L’année 1802, finaliste d’un couple de millésimes frais et/ou pluvieux, occasionne une crise de subsistance par déficit céréalier. Bonaparte, lui, utilise à ce propos les vieilles solutions dirigistes qu’employait déjà le Contrôle Général des Finances, à la Terray, au XVIIIe siècle. Il s’agit toujours de ravitailler Paris, « la grosse bête », et de prévenir le désordre social. Rien à voir avec le libéralisme économique d’un Choiseul ou d’un Turgot. Ce petit problème étant écarté, les années qui vont suivre jusqu’en 1808 inclusivement, sont très convenables : bonne météo, plutôt tiède; moissons adéquates. La France, au cours de cette période, est donc exportatrice de quantités de grains assez importantes. Les années les plus productives vont de 1801 à 1805 sauf 1802, précité. Le triennat 1806-1808 reste exportateur avec en contrepartie, selon les régions et les ports des importations non négligeables autour de 300 000 quintaux annuels mais ces entrées grainetières sont peu spectaculaires en comparaison de celles qu’on a connues ou connaitra en 1802 et 1811, marqué respectivement par la pénurie du panifiable. La France impériale, de ce point de vue, a moins de problèmes substantiels que l’Angleterre au cours de la même période ; « chez nous », hormis les années 1802 et 1811, encore elles, les prix du blé restent sages. La vérité des prix confirme ainsi la bonne tenue de l’économie agricole, favorisée par l’absence de secousses révolutionnaires et par un bon environnement climatique. Les régions voisines de la France, en zone européenne tempérée, bénéficient également de cette positivité conjoncturelle. Au cours de cette séquence tiède, qui concerne les semestres d’été, les semestres d’hiver par contre inclinent souvent vers la froidure mais l’hiver froid comme chacun sait, sauf en cas de gel considérable, n’a pas d’inconvénient majeur pour l’agriculture, bien au contraire. Dans ces conditions, l’excédent thermique au cours de la séquence mise en cause est de +0,2º pour les semestres d’été par rapport à la moyenne triséculaire, mais on est à -0,2º pour les semestres d’hiver. Mais si l’on compare la séquence tiède de Goethe (1802-1808) à la séquence fraiche de Lavoisier (1782-1799), l’excédent thermique du semestre d’été est de +0,6º en faveur de cette époque bonapartiste et impériale par rapport à la séquence fraîche estivale précédente de 1782 à 1799. Cette fois, l’écart est bien caractérisé. De 1802 à 1805, une sérieuse sécheresse s’est progressivement mise en place, momentanément très hostile à la croissance des arbres, au cours des deux ou trois années en question, le tout dans la France du Nord et du Centre.

Par contre, pour la séquence fraîche 1809-1817, le « refroidissement » est très net : on perd 0,7º par rapport à la moyenne triséculaire et 0,9º par rapport à la séquence tiède qui précédait. Sur ces neuf années (fin du Ier Empire et début de la Restauration), toutes sont fraîches quant au semestre d’été par rapport à la moyenne triséculaire, à la seule exception, remarquable du reste, de la chaude année 1811 (semestre d’été 1811: +0.9º par rapport à la moyenne triséculaire). Nous évoquâmes assez longuement, dans plusieurs ouvrages, cette année 1811... brûlante et frumentairement désastreuse. Nous en parlons derechef ci-après.

Quoi qu’il en soit, cette séquence fraîche 1809-1817 va se traduire, avec l’habituel retard de quelques années, par un fort maximum des glaciers alpins, pour des raisons notamment de semestre d’été trop frais qui décourage l’ablation glaciaire. Voyez, exemple singulier parmi bien d’autres, le maximum de la Mer de Glace en 1821. C’est l’un des trois grands maximums de la « Mer » datés respectivement de 1644, 1821 en effet et 1852. Le maximum de la « Mer » en 1821 est très marqué puisqu’il se conclut par une avancée de la langue terminale d’icelle de 562 mètres, en comparaison du minimum précédent, celui de 1795. Évidemment ce n’est pas la formidable avancée de l’entrée, ou plutôt de la réentrée dans le petit âge glaciaire, telle qu’enregistrée de 1570 à 1610 puisqu’il s’agissait alors d’une impressionnante progression de 1 125 mètres.

La séquence fraîche 1809-1817 comporte deux événements météo de forte ampleur. L’un d’entre eux est lié à la méga explosion du volcan indonésien de Tambora d’avril 1815, l’autre tient à une canicule paradoxale en 1811 mais la variabilité produit de temps à autre des exemples caniculaires de ce genre. Ainsi en 1794 et 1846.

Deux mots d’abord sur l’affaire Tambora (1815-1817). Nous remontrons ensuite le temps jusqu’en 1811.

Tambora, considérable explosion au printemps 1815, l’une des plus importantes qu’on ait connue dans la période historique. Les aérosols consécutifs à cette éruption, se répandent à travers la planète et leur interposition dans l’atmosphère diminue légèrement l’impact du rayonnement solaire sur la biosphère. Le millésime 1816 dans ces conditions, c’est « l ‘année sans été ». Le déficit thermique de 1816 est de -1,3º (semestre hivernal), de -2,0º (semestre estival) et -1,5º (moyenne annuelle), le tout par rapport aux moyennes trisécualires. Les récoltes sont affectées négativement : coton et canne à sucre aux États-Unis, cultures vivrières, céréales et autres traumatisées, idem en Europe occidentale et centrale. La mortalité additionnelle néanmoins reste assez faible en France notamment mais nettement plus considérable en Europe centrale germanique (Bavière, etc.). Par ailleurs, les émeutes de subsistance se manifestent dans les villes françaises et anglaises avec ces mots d’ordre typiques « bread or blood ». Il y a aussi une légère baisse, momentanée, de la natalité et de la nuptialité. Le gouvernement de Louis XVIII fait ce qu’il peut, importe notamment du blé russe à prix d’or. Mais il n’est pas possible de faire des miracles : la hausse des prix du froment est nette. On passe de 18 F l’hectolitre en post-récolte 1814/15 à 24 F en 1815/16 et à 36 F en 1816/17 (toujours le post-récolte). Ensuite les prix vont retomber doucement mais la secousse a été telle que la reprise économique postnapoléonienne ne commence vraiment qu’à partir de 1817.

Remontons maintenant vers un passé proche, pré-1815, mais toujours en notre séquence « fraiche » 1809-1817.

Nous sommes en 1811. Le paradoxe de cette année brûlante, c’est justement son insertion au sein d’une séquence généralement rafraîchie. Cette occurrence, paradoxale en effet, se retrouvera du reste en 1846. En 1811, le semestre d’hiver est à +0,8° par rapport aux moyennes triséculaires; le semestre d’été à +0,9°; l’année globale est à +1,1°. L’an 1811, c’est donc canicule et sécheresse avec en plus tout un lot d’intempéries printanières et estivales comme en 1788 et 1794. Le sud de la France et le nord de l’Italie sont très affectés: échaudage/sécheresse. Dans la moitié nord de l’hexagone c’est échaudage + intempéries. Les phénomènes démographiques négatifs se produisent de façon classique. Les émeutes de subsistance interviennent notamment à Caen. Napoléon qui prépare sa campagne de Russie fait fusiller pour l’exemple cinq ou six personnes dans cette ville. La prostitution et les épidémies fleurissent. En région de Toulon et ailleurs, on mange des cadavres d’animaux dans l’état que l’on devine, donc dysenteries, typhus, et même petite vérole et infections transmisses par les mendiants ambulatoires.

Nous arrivons maintenant à la fluctuation XIX-B (Arago) 1818-1856, elle-même partagée en une séquence plutôt tiède qui va de 1818 à 1835 et la suivante, plutôt fraiche, de 1836 à 1856.

La séquence tiède 1818-1835 est assez complexe mais thermiquement bien marquée. Cette séquence tiède printemps /étés dure ainsi 18 ans, c’est un peu moins que la plus longue séquence tiède connue avant le réchauffement du XXe siècle, celle qui allait de 1718 à 1739 (soit 22 années) et qui avait illuminé rappelons le la première moitié du XVIIIe siècle, quant aux semestres d’été, toujours eux.

Sur les 18 années de la séquence tiède, s’écoulant de 1818 à 1835, il y a seulement six ans qui sont en dessous de la moyenne tri séculaire mais d’une façon générale la séquence tiède 1818-1835 est à 0,3° en moyenne au dessus des moyennes tri séculaires. Mais on notera surtout que cette séquence tiède, contemporaine de la Restauration et des premières années de Louis-Philippe est à 0,7 ° au dessus de la période fraîche qui va s’ensuivre, de 1836 à 1856, laquelle provoquera le maximum glaciaire (Mer de Glace) de 1852/53.

La séquence tiède courant de 1818 à 1835 est caractérisée par d’assez belles récoltes jusqu’ en 1826, certes ensoleillées. On avait donc eu une série de beaux semestres d’été jusqu’en 1826 inclus et même au-delà. Mais à partir de 1827 à 1831, s’imposent non pas tellement des températures plus fraiches (quoique par instant…) mais ce qu’on appelle un Pluvial, une sous-séquence pluvieuse qui va nuire aux moissons et provoquer une élévation du prix du blé depuis les environs de 1827/28 jusqu’à 1832. Cette cherté, c’est l’un des innombrables ingrédients du mécontentement social et des agitations populaires diverses qu’a si bien étudiées Paul Gonnet lors des millésimes qui précèdent, accompagnent et suivent 1830 (année d’un grand hiver, incidemment) et qui sont l’une des composantes d’un phénomène contestataire, par moment révolutionnaire, à Paris comme à Lyon en 1830 et 1832 respectivement.

Nous parvenons ainsi à la séquence fraîche qui conclue elle-même cette fluctuation XIX-B Arago soit 1836-1856
.
Ces fraicheurs sont traditionnellement caractéristiques de crises de subsistance, l’une vaguement dramatique vers 1838-1839, conclue peu après par un « été rouge », politiquement et contestatairement chahuté.

Un peu plus tard, au terme de cette séquence « frisquette », on a également quelques crises ou « crisettes » de subsistance vers 1853 et 1855 avec des semestres d’été très frais voire pourris et quelques rigueurs hivernales en février 1855. Les déficits céréaliers enregistrés dans ces conditions procurent quelques agitations sociales sans plus ; de toutes manières, la police de Napoléon III pratique, s’il le faut, la manière forte. Toutefois, ces épisodes agraires font tache sur les belles prospérités du Second Empire : celles-ci vont se développer à partir de ces mêmes années ou un peu plus tard, en raison de causalités diverses (or de Californie, etc.). Mais préalablement à la « fête impériale » dont nous reparlerons, on avait connu sous le régime précédent, celui de Louis Philippe finissant, une canicule assez extraordinaire, celle de 1846 avec des conséquences considérables, le tout paradoxalement « au sein » de la séquence fraîche plus que double décennale qui va, disions-nous, de 1836 à 1856.

Crise de 1846 ou même 1846/47 voire 1848 ; si l’on intègre à cet ensemble l’épisode révolutionnaire qui va s’en suivre, indépendamment certes, mais non sans connexion quand même avec le redoutable épisode agro-météo et tout simplement agro-crisique de 1846/47.

Dix huit cent quarante cinq: maladie de la pomme de terre, un million de morts en Irlande soit plus de 10% de la population, catastrophe insulaire de type médiéval. Sans barguinier, cette « épizootie des patates », comme l’a surnommée un agriculteur de mes amis, se répand sur le continent sans qu’il y ait causalité climatique en l’occurrence. Il s’agit simplement d’un phénomène épidémique, agressant à force de champignons alias spores l’écologie des tubercules. Mais cette catastrophe se combine lors de l’été 1846 qui va suivre avec un violent épisode caniculaire qui détruit à 30% les moissons françaises. La conjoncture calorifique est analogue dans l’Europe occidentale, centrale et septentrionale. Tubercules et canicule, destruction partielle des deux nourritures de base du peuple à l’époque, les pommes de terre et les grains, c’en est trop. Les prix alimentaires montent fébrilement, les épidémies (humaines) fleurissent sur la sous-alimentation, typhus en tête. En France, 200 000 morts supplémentaires. Chômage dans l’industrie textile (Rouen, Lille), le pouvoir d’achat des masses populaires s’étant tourné vers le pain et délaissant les achats d’habillement, etc. La révolution de février 1848 est-elle un sous-produit de ce magma, ce n’est pas certain, mais ce n’est pas non plus exclu au moins pour une part, fut-elle modeste et compte tenu du caractère aléatoire voire hasardeux de l’événementiel, même et surtout quand il prend forme parisienne émeutière et barricadière. Le vieil historien, savantissime, de la Monarchie de Juillet, Thureau-Dangin, avait insisté sur cet enchainement éventuel de causes et d’effets, à tout le moins de déclics successifs, mais nous lui laisserons la responsabilité de telles analyses, du reste brillantes.

Nous arrivons alors à la fluctuation XIX-C 1857/1891 que nous avons appelée fluctuation Victoria. Cette reine, ou plutôt son royaume super industriel est déjà grand producteur de CO2, lequel intéressera plus tard les spécialistes des gaz à effet de serre. Mais nous n’en sommes pas là; disons simplement que l’Angleterre victorienne était dès cette époque l’usine du monde, brûlant des millions de tonnes de charbon ou de carbone comme on dit maintenant, pour les machines à vapeur et la métallurgie.

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La fin du petit âge glaciaire alpin à partir de 1855

La fluctuation Victoria commence par une séquence tiède qui va de 1857 à 1876. Elle fait suite à la séquence fraiche que nous avons évoquée précédemment allant de 1836 à 1856 et qui a tellement gonflé les glaciers alpins, par défaut d’ablation, …au point de provoquer un puissant maximum de la Mer de Glace en 1852/53. La séquence tiède Victoria se situe à 0,8° de moyenne (semestre d’été) au dessus de la séquence fraîche 1836/56 qui l’avait précédée « chez Arago ». D’autre part, cette séquence tiède de 1857 à 1876 s’accompagne d’une certaine raréfaction des neiges en hiver et en altitude alpine. Ces divers facteurs « réchauffants » ne sont pas définitifs. Le véritable réchauffement typique du long XXe siècle ne commencera que vers 1893 (hivers) pour la France et vers 1910 pour la planète.

Néanmoins, avant même cette chronologie d’un réchauffement tardif quoique lent (post 1892), la séquence tiède victorienne apparait comme très originale. Si chaleureuse soit elle, elle est pour ainsi dire isolée, elle est nettement antérieure à notre réchauffement du XXe siècle, inauguré seulement, lui, à l’extrême fin du XIXe ou plus tard. Cette séquence initiale tiède, d’âge victorien classique, est suffisamment marquée pour qu’elle s’accompagne d’un très puissant recul des glaciers alpins parmi lesquels la Mer de Glace. Un recul tel qu’on n’en avait pas connu depuis la première moitié du XVIe siècle, si radoucie en son temps. On peut estimer que ce recul glaciaire de Napoléon III à Mac Mahon équivaut à une régression de plus d’un kilomètre des langues terminales des glaciers mis en cause, à commencer par celui de Grindelwald et bien sûr la « Mer ». Il faut donc distinguer entre la fin du petit âge glaciaire alpin dû au réchauffement vif quoique momentané des années 1857-1876 et d’autre part la fin du petit âge glaciaireclimatique, nettement plus tardive puisque contemporaine pour l’essentiel du XXe siècle et du XXIe. En d’autres termes, cette fin du petit âge glaciaire alpin est déjà par elle-même un événement important quoique isolé dans le temps; mais nettement moins considérable que la fin du petit âge glaciaire climatique, dont la chronologie, elle, est nettement décalée vers l’aval, disons pour simplifier post 1892 quant à la France et post 1910 quant à la planète.

Pendant la séquence victorienne tiède 1857/76, sur vingt années, on en compte treize qui sont thermiquement positives par rapport à la moyenne triséculaire. On notera en particulier le très beau semestre d’été 1859 avec une positivité de 1,9° par rapport à la moyenne, spécialement en juillet et août , le tout « couronné » par une canicule qui aurait tué plusieurs dizaines de milliers de personnes dont beaucoup d’enfants ; cet ensemble chaud succédant ainsi à une année 1858 qui s’était illustrée déjà par un mois de juin tout à fait torride.

Par contre, lors de la séquence suivante, fraîche, victorienne elle aussi, qui va de 1877 à 1891, sur quinze semestres d’été, on en compte onze qui ont une tonalité thermique négative selon les critères précités. Les quatre qui par exception surnagent n’ont en fait qu’une positivité thermique assez faible. Les semestres d’hiver sont froids, avec un déficit thermique de -0,5° par rapport à la moyenne tri séculaire. La régression des glaciers alpins qui fut si nette depuis 1855 cesse donc d’agir à partir de 1880. La nouvelle vague de déglaciation jusqu’à nos jours ne recommencera de façon sérieuse qu’à partir de 1930 voire 1935.

Fin du XIXe, et premier XXe siècle : l’initiation du Réchauffement

L’extrême fin décennale du XIXe siècle et le premier quart un peu allongé du XXe vont coïncider avec la fluctuation Arrhenius qui va de 1892 à 1928. Cette fluctuation est d’autant plus intéressante qu’elle coïncide pour la première fois avec un phénomène indépendant et tout à fait nouveau: le début du réchauffement global, lui-même typique des XXe et XXIe siècles, non sans freinages et ralentissements divers en cours de route. En France, répétons-le, ce réchauffement global s’esquisse en douceur à partir des 1890’s (notamment à partir de 1893 pour les hivers), puis culmine modestement une première fois lors des années 1930/50. Il traverse ensuite une phase de léger rafraichissement puis il s’affirme fortement à partir de 1988/89.

Indépendamment de ce réchauffement séculaire (et pour nous en tenir à l’échelle décennale ou multi décennale que nous avons utilisée ici-même depuis le début du XVIIe siècle), disons que la séquence particulièrement tiède de la fluctuation Arrhenius va de 1892 à 1901. Autrement la fin la fin du XIXe siècle. C’était déjà d’un tout autre point de vue, artistique et social en l’occurrence, la Belle Époque. Ainsi se marque en particulier le début du long réchauffement des hivers à partir de 1893, ou plus exactement, s’agissant des chronologies les plus fines, à partir de 1892 et 1894. La séquence tiède (1892-1901) de la fluctuation Arrhenius est surtout marquée par une série d’étés chauds. Le gain est de 1,0° par rapport à la séquence estivale fraiche précédente dite victorienne, celle des années 1880. On notera en particulier les chaleurs du semestre d’été 1893 (avril à septembre). Canicule 93 échaudeuse et quelque peu destructrice des moissons en France, Allemagne, Angleterre, le tout accompagné d’une sécheresse printanière très rude.

En principe la séquence fraîche qui forme la seconde partie, canonique, de la fluctuation Arrhenius va de 1902 à 1928. Tautologiquement, elle devrait se marquer par un certain rafraîchissement. Mais, phénomène parasitaire si l’on peut dire par rapport à ces ondulations d’ancien type, le réchauffement contemporain (du XXe siècle allongé grosso modo) est déjà progressivement inscrit sur le long terme ou même le très long terme en France à partir de 1893 pour les hivers en moyennes mobiles décennales et à l’échelle planétaire à partir de 1910.

Dans ces conditions, le résultat effectif de ces influences diverses est assez nuancé. Les hivers qui possiblement ou éventuellement pourraient se rafraîchir du fait de leur positionnement en séquence fraîche se réchauffent un peu en réalité. Ils gagnent 0,2° en moyenne.

En revanche les semestres d’été, d’avril à septembre, perdent 0,2° par rapport à la moyenne triséculaire et 0,6° par rapport à la séquence tiède de la dernière décennie du XIXe siècle (1892-1901), initiatrice de la fluctuation Arrhenius. Effectivement, de 1902 à 1928, sur vingt sept semestres d’été, on en compte dix-huit à tonalité négative mais, là-aussi la variabilité s’impose. Par ailleurs on en compte un certain nombre, neuf au total, qui sont simplement moyens ou parfois positifs ou très positifs: ainsi 1911, 1921...

Parmi les semestres d’été frais sus dits, on notera particulièrement 1909 et 1910.

L’an 1910, c’est la grande inondation parisienne hivernale. Les influences dépressionnaires et pluvieuses continuent pendant le printemps et l’été du même an avec des récoltes céréalières de ce fait très médiocres. Au XIVe siècle, une famine se serait produite ipso facto mais maintenant (1910) c’est économiquement la Belle Époque : on s’en tire par des importations de grains massives et le prix du froment n’augmente que d’un franc l’hectolitre au grand dam des paysans producteurs cependant que les consommateurs urbains s’en sortent d’une façon très convenable. La variabilité néanmoins est toujours à l’œuvre. Les étés chauds « d’Arrhenius » demeurent, disions-nous, minoritaires.

On signalera surtout de 1922 à 1927 une sous séquence fraîche remarquable. L’an 1922, c’est l’année des pommes de terre surabondantes en France, en Allemagne; elles ne détestent pas cette fraîcheur. Celle-ci leur rappelle la Cordillère des Andes, originelle en ce qui les concerne.

On recense néanmoins de belles chaleurs printanières, ou estivales, ou les deux à la fois en 1904-1905-1906. Elles provoquent la crise des surproductions viticoles, qui débouchein fine sur les agitations agraires du Languedoc en 1907.

Nous avons mentionné la canicule (tueuse) de 1911 : 40 000 morts dont beaucoup d’enfants … ainsi qu’un excellent millésime vinique, fils de l’été onze très chaud en juillet, août et septembre.

On évoque également pour 1921 le climat de la France entière, globalement méditerranéen à l’échelle de l’hexagone avec un extraordinaire Château Yquem que les amateurs anglais à l’époque mettaient au dessus de tous les Yquem du premier quart du XXe siècle. Juillet 1921 fur torride et bon pour les vignes.

Nous parvenons maintenant à la fluctuation « Manley » de 1929 à 1986. Elle se place également au XXe siècle sous le signe d’un réchauffement global encore modéré mais indéniable (il ne se déchainera qu’à partir de 1988). « Manley » a néanmoins sa double séquence classique, tiède puis quelque peu rafraîchie.

La première séquence est donc tiède par insertion chronologique et… dans la réalité des faits. Elle va de 1929 à 1950. Cette séquence tiède est à 0,3° au dessus de la moyenne tri séculaire. Tiédeur pour le semestre d’été d’avril à septembre bien sûr mais aussi pour le semestre d’hiver et cela malgré la grave coupure des trois hivers froids de 1940 (janvier 40 : -2,3° de moyenne) /1941 (surtout décembre et janvier)/ 1942 (surtout janvier et février). L’hiver 1942, très rude et même maximal en Russie, fonctionne en tant que « général Hiver », néfaste aux troupes allemandes à proximité de Moscou. Sur les treize premiers semestres d’été de 1929 à 1941, on en compte encore cinq avec caractérisation négative : minorité certes, mais encore assez importante. Huit sont positifs. La tendance est déjà nette. Mais la chaleur « se corse » lors de la seconde partie de cette séquence tiède et l’on arrive ainsi aux célèbres étés chauds de la période de guerre et d’après-guerre. Sur neuf semestres d’été de 1942 à 1950, on en compte un seul à tendance thermique négative, en 1948. Tous les autres, soit huit millésimes, ont de très beaux semestres d’été chauds. Ils connotent simultanément un net épisode du réchauffement du XXe siècle et, de façon quasi identique l’apogée de la séquence tiède du « Manley ».

On notera en particulier la tiède année 1943, marquée certes par des désastres d’un tout autre genre (bombardements, shoah, guerre sur tous les fronts) mais, au plan des récoltes frumentaires, compte tenu des déficiences techniques dues à l’Occupation, quarante trois marque un rebond quantitatif par rapport aux moissons des années immédiatement précédentes et suivantes ; au niveau aussi de la mortalité infantile dans plusieurs pays d’Europe occidentale, centrale et tempérée, la tiédeur météo générale de ce millésime produit un certain Mieux, peu marqué mais incontestable. On notera aussi dans une série d’étés tous chauds ou moyens/tièdes, à l’exception de 1948, l’été très chaud en effet de 1945 avec un Mouton Rothschild extraordinaire. Celui de 1947 (chaleur, sécheresse, échaudage anti récolte, restrictions alimentaires et bon vin), 1949idem (un Château Latour resté célèbre, grands incendies des Landes dus à la canicule du mois d’août de cette année).

De 1951 à 1986, on affronte une séquence plutôt fraiche en principe. Certes le réchauffement global, en particulier pour les hivers, poursuit çà et là son travail de sape à configuration séculaire. Les glaciers alpins continuent imperturbablement sinon à se raccourcir, ce n’est pas toujours le cas, du moins à se désépaissir sans interruption. Mais à l’échelle d’un long tiers de siècle (les années 1950, 60,70 et dans une moindre mesure le début des années 80), un petit rafraichissement est sensible: environ -0,3° pour la France en moyennes annuelles, au pire. La progression thermique, si nette au cours des années trente et surtout quarante, semble ainsi perdue, sans plus, lors de la phase trentenaire post-1950 enregistrée de la sorte. Pour les étés (JJA) qui nous intéressent ici, la marche arrière est nette. Dans le cadre de l’hexagone plus Corse, on avait des étés JJA à 19.3° de 1941 à 1950. On tombe à 18.6° de 1951 à 1960 puis 18.5° pour la période 1961 à 1970. On remonte faiblement à 18.7° entre 1971 et 1980. La fin du rafraichissement n’est clairement marquée que lors des années 1980. De 1981 à 1990, on remonte à 19.4° JJA. C’est la fin de la fluctuation Manley. Au registre de l’événementiel, on citera dans cette direction rafraichissante les semestres d’été frais voire pourris d’années … politiquement célèbres comme 1958 et 1968. À l’échelle de l’an les « cinquante-huitards » du Général de Gaulle et les « soixante- huitards » de Daniel Cohn Bendit n’ont pas été favorisés climatiquement, contrairement à certaines vues rétrospectives, parfois simplistes. Au titre de la variabilité, sur ce fond de tableau plutôt frais et marqué quelques fois par les pourritures célestes, on citera néanmoins la canicule (certes modeste) de 1959 et surtout 1976, millésime torride et très sec, néfaste aux agriculteurs et surtout aux éleveurs. Jean Gabin, de façon totalement non typique, sympathique et généreuse, avait investi une partie de sa fortune dans une vaste propriété herbagère du département de l’Orne. La sécheresse de 1976 ruina tous ses efforts. La Fédération des syndicats agricoles insista de manière parfaitement injuste pour qu’aucun dédommagement financier ne soit octroyé à Gabin. Effondré, celui-ci vendit son exploitation. Les paysans avaient refusé de considérer la vedette comme l’un des leurs. Il en fut, c’est le cas de dire, mortellement mortifié.

Pour en revenir au registre du froid, on notera le maximalisme, jamais égalé depuis, des grands hivers très rudes de février 1956 et de 1962-1963. 1956, c’est le Désastre « oléicide », mort d’une grande partie des oliviers dans notre midi méditerranéen et en Sardaigne.

Le XXe siècle terminal et l’ouverture du XXIe siècle : un Réchauffement marqué

Nous sommes rendus ainsi aux années 1987-2010 que nous avons dénommées « fluctuation Prométhée », phase de réchauffement très marquée, de l’ordre d’un degré dans les moyennes annuelles ou même davantage. Y aura-il une séquence fraîche comme dans le cas des précédentes fluctuations? La chose est concevable mais pour le moment on ne voir rien venir de ce genre, sauf peut être un rafraîchissement infime vers 2008-2010. Minuscule variabilité ?

De 1988 à 2008, tous les semestres d’été « français » sont positifs par rapport aux moyennes triséculaires. Tel est l’impact dans l’hexagone du réchauffement mondial, bien connu. Parmi les semestres d’été chauds qui « lancent » ainsi la série prométhéenne, on note le triennat 1988/89/90. C’est l’inoubliable tiercé des grands vins de Bordeaux qu’a célébré François Renard, excellent chroniqueur viticole du Monde. On citera aussi 1997, point de repère d’un coup d’accélérateur très net en ce qui concerne ce réchauffement ; 1998, l’un des deux ou trois millésimes les plus chauds connues sur la planète, ensoleillé de façon très adéquate sur le Vieux continent avec de formidables récoltes céréalières depuis les Pays Baltes jusqu’à la péninsule ibérique, dans toute l’Europe orientale, centrale et occidentale; l’an 2003, caniculaire et tueur : dix sept mille morts en France, surtout les personnes âgées. Même chiffre grosso modo en Italie et 70 000 décès pour tous les pays d’Europe affectés par ce phénomène. Sur le mode rétrospectif, on mentionnera aussi les très belles récoltes d’olives en Italie, Espagne, Portugal entre 1995 et 2000, l’ « arbre à huile» étant amoureux du soleil dès lors que les pluies sont adéquates. On remarque également 2005, superbe millésime des vins français dans leur ensemble, contemporains du désastre Katarina à la Nouvelle-Orléans. Le réchauffement est en marche même si, en certaines années, janvier 1997 et peut être plus significatifs janvier 2009 et janvier 2010, certains épisodes plus ou moins froids démolissent à ce propos les convictions péniblement acquises et sur ce point fragiles des braves gens de France et d’ailleurs, relativement au réchauffement global alias global warming.

L’expression « peut être plus significatifs » que nous venons d’employer pourrait éventuellement indiquer en effet l’occurrence concevable d’une légère fluctuation négative qui freinerait si peu que ce soit le réchauffement en cours. Mais une telle hypothèse pour le moment est purement gratuite quoique pas totalement invraisemblable.

Un écrivain d’outre Atlantique avait parlé jadis du « cauchemar climatisé » des nations modernes au XXe siècle. Mais la climatisation, pour toute raisons anthropiques et autres (CO2, etc.) n’est-elle pas en train de se dérégler elle aussi ?

Emmanuel Le Roy Ladurie

 

SUR LES FLUCTUATIONS DU CLIMAT DE LA FRANCE SEPTENTRIONALE ET CENTRALE DEPUIS LE XVIIE SIÈCLE