La jeune philosophe Corine Pelluchon, déjà connue pour ses travaux de bioéthique, posait, cet été, dans une note pour la Fondapol, une série de bonnes questions : comment s’assurer que les normes écologiques et leur mise en application n’entrent pas en contradiction avec la liberté de choisir son mode de vie ? Comment se prémunir de la tentation, chez ceux qui croient en savoir plus sur l’état de la planète et de ses ressources, d’imposer bientôt leur despotisme éclairé ? Comment préserver les droits de l’homme, tout en établissant des limites à son action sur son environnement ? Comment concilier, enfin, le respect des cultures dans leur diversité avec l’établissement de normes écologiques universelles ? Bref, est-il possible de concilier le libéralisme politique et l’écologie ?
Elle y répond dans un essai pas facile, mais très recommandable, intitulé « Eléments pour une éthique de la vulnérabilité » qui vient de paraître aux Editions du Cerf.
Corine Pelluchon commence par innocenter les coupables habituels des philosophies de l’environnement : non, la suprématie de l’homme, maître, souverain et propriétaire de la nature ne se trouve pas dans la Bible. La Genèse ne lui accorde que l’usufruit de la planète et lui confie un rôle de jardinier, pas de seigneur. Non, Descartes ne saurait être tenu pour responsable d’une vision de l’animal réduite au rang de ressource ; ce n’est pas à son rationalisme à lui qu’il faut imputer nos poulets en batterie, et nos porcs abattus à la chaîne. Non, les fondateurs du libéralisme n’ont jamais prétendu que le droit de propriété comportait celui d’épuiser les sols ou de transformer les forêts en déserts. John Locke a même expressément spécifié le contraire. Les Lumières ne sont pas coupables non plus d’avoir installé l’homme face à la nature comme un « empire dans un empire », ivre de son autonomie au point de refuser toute dépendance et possédé par un fantasme de toute-puissance qui le ferait considérer la nature comme une malédiction à dominer et à vaincre.
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